L’accessibilité des sites et espaces sportifs en moyenne montagne : les difficultés à promouvoir la marque Tourisme & Handicap ; étude du territoire des Hautes-Pyrénées

Cette étude est consacrée aux programmes publics de promotion et d’identification de l’offre sportive labellisée Tourisme & Handicap. L’enquête cherche à expliquer dans quelle mesure ces programmes atteignent (ou non) les résultats attendus par la politique Tourisme et Handicap. Basé sur des entretiens semi-directifs réalisés auprès d’acteurs du tourisme, spécialisés dans la pratique sportive et localisés dans le département des Hautes-Pyrénées, ce travail a permis de comprendre les raisons des écarts de comportement observés chez les professionnels interrogés. Dans cette étude, nous montrons l’hétérogénéité et la diversité des acteurs impliqués dans la politique Tourisme et Handicap ce qui en partie peut expliquer ses difficultés à atteindre des résultats. Au-delà de cette recherche, notre article cherche à sensibiliser le lecteur sur les inégalités liées au départ en vacances des personnes en situation de handicap et l’amener à réfléchir sur l’importance de la valorisation et de la communication de l’offre adaptée.

Quinze ans après l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap », Emmanuel Macron reconnaît lors de la 5ème Conférence Nationale du Handicap (2020) que la France n’est pas en règle sur l’ensemble des secteurs d’activité. Ce texte prévoyait qu’à compter du 1er janvier 2015, tout établissement recevant du public (ERP1) devait être accessible à tous, y compris aux personnes vivant avec des déficiences, quelles que soient leurs limitations. La notion d’accessibilité signifie que chacun doit pouvoir entrer et sortir des ERP, mais aussi que les prestations fournies soient adaptées. La loi sur l’accessibilité était la promesse d’une participation sociale complète pour tous et à tout, fondée sur le principe d’égalité et de non- discrimination : « chacun doit donc pouvoir accéder aux biens et aux services qu’offre la société, et ce quel que soit le secteur d’activité concerné, y compris celui du tourisme » (Degros, 2013, p 99).

À l’heure actuelle, il existe de fortes inégalités à la réalisation de vacances chez les personnes aux besoins spécifiques2. L’étude qualitative menée en 1993 par Oxley et Richard (Reichhart, 2013) montre que la complexité à trouver une destination accessible constitue le principal frein au voyage des personnes en situation de handicap. L’un des obstacles majeurs aux voyages soulevés par Blaho-Poncé (2013) est un manque d’accès aux informations fiables relatives à l’offre accessible. L’autonomie de déplacement apparaît comme un autre facteur essentiel pour le départ. De manière générale, cette liberté de déplacement va influencer la fréquence, la durée et le périmètre géographique des vacances (Atout France, 2010). De ce constat découlent différents enjeux liés au développement de l’accessibilité des structures et services touristiques. En premier lieu, il convient que les sites et établissements touristiques entament le processus de labellisation Tourisme & Handicap (T&H).

Une politique d’intégration et sa marque d’état

La politique publique Tourisme et Handicap a permis de renforcer les dispositifs de protection des politiques du handicap (Revillard, 2017). Elle participe à la création d’un ordre social et à la résolution de conflits sociaux (Lascoumes, Le Galès, 2018). Dans le secteur du tourisme, le monde du handicap et parmi eux des associations de personnes vivant avec des déficiences, comme l’APF3, s’impatientent et réclament la mise en œuvre concrète de politiques publiques, découlant de la nouvelle loi d’accessibilité. Aujourd’hui, la politique d’identification de l’offre Tourisme et Handicap participe à réduire les inégalités de départ en vacances. Depuis 2001, l’association Tourisme & Handicap puis maintenant les DIRRECTE4, s’organisent pour accompagner les professionnels du tourisme souhaitant s’engager dans une démarche de labellisation T&H. La marque d’état T&H concerne diverses structures5 qui répondent aux différentes attentes et besoins des touristes durant leur séjour.

L’objectif de ce programme est de développer la marque T&H sur l’ensemble des secteurs du tourisme (hébergement, restauration, lieux de visite, activité de loisirs et Office de tourisme). Il a pour but d’obtenir une « offre touristique adaptée et intégrée à l’offre généraliste » (T&H, 2013) et de produire des chaînes d’accessibilité favorisant la réalisation de vacances spécifiques (Blaho-Poncé, 2013). T&H est la seule marque d’État attribuée aux professionnels du tourisme égalité de droits et à l’exercice de leur citoyenneté. Sur le volet des vacances, elle organise des séjours de vacances adaptées, mixtes et inclusives.

qui s’engagent dans une démarche de qualité ciblée sur l’accessibilité aux loisirs et aux vacances pour tous. Cette certification T&H relève d’un processus très strict et normé. L’application rigoureuse des normes accroît dès lors la crédibilité de la marque aux yeux des consommateurs. L’uniformité de la certification apporte une garantie qualitative appréciée et valorisée des touristes aux besoins spécifiques (Marcotte et al., 2011). La marque d’État permet ainsi de « réduire la perception de risque pour les consommateurs » (Marcotte et al, 2011, p 208-207). Sa simple apparition certifie une autonomie de déplacement totale ou partielle, encourage le départ en vacances et réduit le risque associé au choix du site touristique.

Le site tourisme-handicap.gouv.fr affichait en mars 2022, 4 120 établissements touristiques labellisés T&H avec 91% pour le handicap auditif, 96% mental, 76% moteur et 66% pour le handicap visuel, contre 3 346 en 2009 (Atout France, 2011). On note alors une croissance du nombre d’établissements labellisés. Pour autant, cela « n’empêche pas que des structures soient accessibles conformément à la législation en vigueur depuis 2005 sans forcément qu’elles cherchent à être labellisées » (Amiaud, 2012, p 34). Des professionnels interrogés par cet auteur ont expliqué ne pas ressentir le besoin de se lancer dans une démarche de labellisation qui, selon eux, peut engendrer une forme nouvelle de stigmatisation et ne serait pas un moyen de valoriser un établissement (Amiaud, 2012). Les éléments théoriques intégrés, nous pouvons désormais aborder la partie suivante qui s’intéresse aux comportements des professionnels du tourisme labellisés face au label T&H.

L’action publique et la mise en place de programmes de valorisation de l’offre

La réussite de la mise en œuvre de la politique publique Tourisme et Handicap est corrélée aux actions de recensement et de promotion de l’offre labellisée. Pour donner suite à l’identification des établissements, il convient de rendre visible ce qui est accessible afin d’en informer la population concernée. L’équipe d’Atout France (2011) a enquêté auprès de 616 professionnels labellisés sur l’usage qu’ils ont du label et leurs démarches de communication. Au sein des membres du réseau T&H, on note des différences de comportement vis-à-vis de l’utilisation du label. L’étude a permis de classer les professionnels labellisés selon plusieurs types de comportements face au label et son usage. (Schéma 1).


Schéma 1 : Typologie des sites labellisés (Atout France, 2011)

Les « Convaincus opportunistes » comme les nomme l’étude, correspondent à 32% des gestionnaires labellisés de l’enquête. À leur niveau, s’engager dans la démarche de labellisation s’accordait à la nécessité de réaliser des travaux au sein de leurs locaux. Ils expriment une sensibilisation face aux questions de handicap. Ces organismes, pour la plupart de petites tailles, considèrent la marque comme un moyen de différenciation et voient le label comme un avantage concurrentiel. Pourtant, leurs actions de promotion en lien avec ce label restent rares. Les structures justifient ce manque par la non-nécessité de recevoir davantage de clients. Une autre catégorie de professionnels, appelés les « Rationnels » (23%), correspondent à des établissements plus importants, tels que les hôtels ou ceux proposant des activités de plein air. Ils sont très actifs dans leurs démarches promotionnelles et ont pour objectif d’étendre leur clientèle, notamment du côté des seniors. La sensibilité aux questions en lien avec le handicap existe, mais ne constitue pas la principale motivation de leur démarche (Atout France, 2011). Puis pour finir, les « Bilan Mitigés » représentent 31%. Ils sont caractérisés par une grande sensibilité à l’égard du handicap. La plupart ont été sollicités et accompagnés par des institutions du tourisme pour s’engager dans la démarche de labellisation. Leurs actions en termes de communication sont pourtant très faibles et peu actives. Ce manque est souvent justifié par un manque de moyens humains et matériels.

À partir du cadre théorique de Lascoumes et Le Galès (2018), nous allons essayer de mieux comprendre ces écarts de comportements dans l’utilisation du label, en utilisant la sociologie de l’action publique. Ces auteurs ont étudié les différents freins liés à la mise en œuvre concrète des politiques publiques. L’un de ceux-ci fait référence à la diversité et l’hétérogénéité des acteurs impliqués dans ces politiques. Force est de constater que les acteurs du tourisme sont très variés et ne sont pas soumis au même type de gouvernance ni aux mêmes intérêts. « Ils s’affrontent régulièrement sur leurs objectifs et moyens d’action » (Lascoumes, Le Galès, 2018, p. 15). Nous pouvons nous demander si leur diversité n’est pas un frein dans l’utilisation des moyens d’identification et de promotion du label T&H, en raison de leurs intérêts et modes de gouvernance divergents. Les travaux de ces auteurs ont montré que les politiques publiques menées sur le modèle top down6 ont connu plus de fragilité dans leur mise en œuvre en comparaison à celles élaborées sur un modèle bottum up. Un modèle souvent perçu comme trop autoritaire selon les acteurs et des programmes votés avec un manque de cohérence et de rationalité des décideurs (Lascoumes, Le Galès, 2018). Par exemple, l’obligation de rendre tous les ERP accessibles à la suite de la loi du 11 février 2005 est basée sur un modèle top down. Contrairement au processus de labellisation plutôt basé sur un modèle bottum up car il provient pour la plupart du temps, d’un engagement volontaire de la part des acteurs qui sont par la suite accompagnés par la puissance publique dans leur démarche.

Cet article va ainsi tenter de saisir dans quelles mesures, les professionnels du tourisme, participent à la valorisation des lieux qu’ils ont rendu accessibles ? Nous essayerons également de comprendre quelles sont leurs implications dans la mise en œuvre de programmes de promotion et dans l’identification de l’offre touristique labellisée ? Une analyse de terrain en moyenne montagne auprès de professionnels du tourisme sportif labellisés, nous permettra de réaliser une étude empirique et tester nos hypothèses de recherche.

Méthodologie

Pour débuter notre analyse, nous avons interrogé plusieurs professionnels labellisés T&H. Il nous a paru évident de réaliser une étude qualitative afin de gagner en profondeur dans l’analyse de nos données. La méthode choisie a été de faire des entretiens semi-directifs. C’est une démarche qui est dite efficace pour recueillir « les opinions des personnes interrogées, les éléments de contexte, social mais aussi langagiers, nécessaires à la compréhension des dites opinions » (Duchesne, 2000, p 2).

Cinq entretiens semi-directifs, d’une durée de 20 à 40 minutes, ont été réalisés pour nous permettre de comprendre les liens entre les diverses expériences d’acteurs du tourisme labellisés et leurs programmes de communication au sujet du label. Ces entretiens d’explicitations vont nous aider à approfondir, au travers de leurs récits, les difficultés liées à la valorisation des lieux accessibles. On cherche à comprendre l’implication des professionnels dans les programmes publics d’identification de l’offre touristique labellisée et pourquoi ces derniers ne leur correspondent pas.

Ces entretiens ont été réalisés auprès d’acteurs privés et publics localisés dans les Hautes-Pyrénées. Il nous a semblé intéressant de choisir un département montagnard, difficilement accessible par sa typographie pour des touristes à besoins spécifiques, plus particulièrement lorsqu’il s’agit de personnes à mobilité réduite. Nous souhaitions, dans notre enquête, valoriser les efforts des gérants sur les aménagements et/ou sur les adaptations. Des travaux qui peuvent s’avérer lourds et coûteux sur un territoire aussi accidenté7 que les Pyrénées. L’échantillon sélectionné englobe des professionnels du tourisme en lien avec les activités sportives et de loisirs de plein air. Dans le but de garantir l’hétérogénéité de l’échantillon, nous avons fait varier la spécificité des acteurs selon leur gouvernance, leur type de prestations sportives, l’année d’obtention du label et leur typologie (cf. schéma 1).

Une grille d’entretien a été élaborée au préalable dans le but de structurer l’interview et ainsi suivre un fil rouge le long de chaque entretien. Quatre thèmes mentionnés ci-dessous ont été abordés afin de nous aider à répondre à la problématique. La phase de lancement questionnait le processus de labellisation nécessaire à l’accréditation. La suite de l’entretien évoquait le thème des moyens de communication utilisés, puis la nature des relations et interactions au sein des collectifs d’acteurs au niveau du territoire. Pour conclure, nous demandions une appréciation de la marque selon leur point de vue et celui de leurs clients. Le tableau comparatif ci-dessous favorise la lecture des caractéristiques importantes de chaque organisme interrogé et nous permet d’insister sur leur diversité.

L’hétérogénéité de notre échantillon d’acteurs se distingue notamment par la taille, le rayonnement sur le territoire des Hautes-Pyrénées et le type de gouvernance.

          Domaine d’Activité        CHIEN DE TRAINEAUX      SALLE   D’ESCALADE        CENTRE EQUESTRE  REMONTÉE MÉCANIQUE (qui donne accès à des chemins de randonnée, de VTT et grottes)    CHEMIN DE RANDONNÉE ET PISTE CYCLABLE   (Distance :17 km)
    Typologie et LocalisationFond de vallée, donne accès aux cols Lourdes et alentoursFond de vallée Vallée de GavarnieUrbain Vallée de Tarbes et alentoursHaute-Montagne Lourdes et alentoursFond de vallée Vallée des Gaves
  Type de gouvernancePrivéPublicPrivéPrivé, sous délégation publiquePublic
  Année obtention du label T&H2014Avant 20082019Avant 20112004
  Taille du site / Nb de salariésPetite   1Moyenne   De 2 à 5Grande   De 5 à 10Grande   De 5 à 10Grande   Absence de donnée
Fréquentation annuelle du site (source internet)Absence de donnéesAbsence de donnéesAbsence de données80 000 personnes en 2014150 000 personnes en 2020

L’analyse compréhensive de la mise en œuvre des programmes d’identification et de valorisation

Les leviers au processus de labellisation

Les motivations à rentrer dans le réseau T&H varient selon les professionnels interrogés. Au sein des organisations publiques, nous avons pu observer que les démarches de labellisation ont, pour l’ensemble, débuté après des travaux de construction ou de réaménagement. Valérie Nogué, responsable d’une salle d’escalade dans la Vallée de Gavarnie, nous confirme que ce projet d’ordre social fut impulsé par les élus locaux et les services départementaux, puis orchestré par les institutions déléguées de puissance publique, à l’initiative de la mairie de Villaris. « En fait, les aménagements pour les handicapés ont été réalisés quand le bâtiment a été construit. C’était dans cette même démarche ». La salle d’escalade est considérée comme un ERP car c’est un établissement public ouvert à tous. L’établissement avait donc une obligation de se rendre accessible (top down). Pour autant, le label étant un processus volontaire, c’est une démarche engagée qui a poussé les élus locaux à déclencher ces aménagements.

Pour la Voie Verte des Gaves, sa labellisation s’est accordée avec le réaménagement du sentier qui était à l’époque une voie de chemin de fer. Son dénivelé quasi nul a permis de la rendre facilement accessible. Marie- Lys, directrice de l’Office du tourisme de Lourdes : « Ils ont profité de ce site, qui était déjà par nature assez accessible pour le labéliser en mettant en place certains équipements qui rentraient dans le cadre du label Tourisme Handicap ». Du point de vue légal, la Voie Verte, considérée comme Installation Ouverte au Public (IOP), n’est soumise à aucune obligation d’accessibilité. On peut alors parler de labellisation par opportunité qui s’est accordée à un projet de rénovation du sentier. Il est intéressant de constater que les fonctionnaires interrogés sont au courant de cette information. Un aspect qui indique une communication claire et constante entre les acteurs et les maîtres d’œuvre.

En comparant avec les structures privées, les gérants ont pour la plupart eu connaissance du label par des promoteurs de celui-ci, comme les DIRRECTE et/ ou par des organismes en contact direct avec des personnes vivant avec des déficiences, quelles qu’elles soient. Pour le cas du centre équestre du Cla-Haras, les investissements avaient été réalisés avant la démarche.

« On voulait faire un centre qui soit accessible à tous les publics ». L’établissement respectait déjà en partie les critères lorsqu’ils ont été sollicités par des évaluateurs du label. « Ils nous ont contactés et nous on dit que si on demandait le label. Il faudrait faire d’autres aménagements. On a vu par rapport aux toilettes, par rapport à la signalisation, etc. ». Clara gérante du centre équestre.

Les résultats sont les mêmes pour l’activité de chiens- traineaux. Ingrid, la monitrice témoigne que ses équipements étaient déjà accessibles avant les démarches de labellisation. Proposer des prestations adaptées était une volonté personnelle qui s’est concrétisée par la réalisation d’une formation handisport spécialisée pour la traîne de chiens de traineaux. « J’avais passé mon certificat handisport il y a pas mal d’années et c’est un gars (…) qui m’a proposé de me labelliser Tourisme et handicap. Donc en fait, j’ai reçu sur site des personnes du label qui ont vérifié l’accessibilité, les toilettes, les activités, etc. le matériel que je mettais à disposition pour mes activités, pour les personnes à mobilité porteuse de différents handicaps. Donc ils m’ont labellisé sur les quatre handicaps ». L’accessibilité de leurs prestations sont le fruit d’actions volontaires (bottum up) qui les ont poussés à engager le processus de labellisation et à répondre à ses critères. Dans les deux cas, nos interviewés ont été sollicités et poussés par des promoteurs de label à intégrer le réseau Tourisme & Handicap.

Dans le but de croiser la sensibilité des professionnels vis-à-vis du handicap avec les efforts qu’ils fournissent, nous avons constaté que dans le secteur public, les gérants n’ont pas systématiquement eu d’expériences de vie avec le handicap. La labellisation de leur établissement s’explique soit par une obligation de la loi, soit par opportunité corrélée avec des travaux de réaménagement. Au contraire, on observe que les acteurs privés labélisés, semblent avoir une plus forte sensibilité à l’égard des difficultés que peuvent rencontrer des personnes vivant avec des déficiences. On constate que cette sensibilité favorise les actions volontaires à l’initiative de prestations adaptées. « Je fais des thérapies avec les personnes en situation de handicap à travers les chevaux. J’utilise ce moment du cheval pour travailler avec des personnes avec des troubles neurologiques. » Clara. On observe que leur détermination à être labellisé va bien au-delà d’une motivation commerciale. Il y a une vocation à apporter une aide et à agir avec des actions de solidarité, auprès d’une population en situation de handicap. « Je pense qu’il y a ce besoin de rendre accessible l’activité à tout le monde en fait. » « C’est enrichissant mais d’une autre manière, humainement ». Ingrid

Les outils utilisés dans la promotion de l’offre labellisée

Les activités avec une gouvernance publique comme la salle d’escalade, le Funiculaire du Pic du Jer et la Voie Verte de Gaves, ont choisi de promouvoir leur label T&H principalement via des canaux numériques de type site web, réseaux sociaux et blogues. L’ensemble des structures interrogées disent être référencées sur les sites de l’association Tourisme & Handicap, celui de l’office du tourisme de leur commune et sur celui du département HPTE8. Pour Valérie, salariée de la salle d’escalade : « Y’a rien de particulier si vous voulez, uniquement sur le site dédié au label que c’est mis en avant ». Elle nous confirmera au fil de l’entretien être référencée sur le site de l’OT et l’agence touristique des Vallée de Gavarnie. « Je n’ai pas vu cette année, mais enfin l’année précédente on y était ». Jean-Marc du Funiculaire. Au niveau de la Voie Verte, après les modifications faites sur le site internet de l’Office de tourisme de Lourdes, Marie-Lyse nous certifie « qu’il y aura une page dédiée à l’accessibilité par rapport à son offre touristique et particulièrement sur l’offre touristique labellisée ». Les gérants des structures témoignent d’une évolution des plateformes de réservation. On va retrouver plus régulièrement sur ces sites, une annotation (commentaire, label, pictogramme) concernant l’accessibilité du site et l’adaptation des prestations. « On va avoir un tout nouveau système de réservation en ligne à cause des jauges covid, et oui c’est sûr qu’on le signalera sur la réservation ». Jean-Marc du Funiculaire.

En comparaison, les activités gérées par des organismes privés, comme le centre équestre et les balades en chiens de traineaux, communiquent majoritairement leur accessibilité via des canaux plus traditionnels comme l’affichage, flyer, revue, brochures, etc. Ingrid, guide de chiens de traineaux, ne possède pas de site internet et préfère privilégier la technique du bouche- à-oreille. « Comme les centres de personnes handicapées communiquent beaucoup entre elles, c’est comme ça que j’ai des nouveaux contrats ou des nouvelles occasions ». Le centre équestre a souhaité afficher un grand panneau à son entrée, spécifiant le label. « On l’a mis pour le public qui vient nous voir sur l’établissement, pour qu’ils puissent voir directement que c’est un centre labellisé ». Le centre équestre, par exemple, est très actif dans ses démarches. Le caractère accessible de la structure est présent sur plusieurs guides d’équitation spécialisé handicap. « Il y a un guide qui s’appelle Guide ‘Equi-Handi’, auquel je demande l’inscription. (…) il y a autre d’autres revues, mais je ne me rappelle pas exactement les noms, mais je sais qu’on y est dessus ». Clara gérante du centre-équestre.

En somme, nous observons que la majorité des structures interrogées font l’effort de communiquer sur l’accessibilité de leur site et sur leur accréditation. On note que la capacité d’accueil de l’organisme et l’attractivité de son environnement influencent la quantité et la diversité des démarches promotionnelles. Les professionnels en mesure d’accueillir des groupes de personnes en situation de handicap sont plus tentés à promouvoir leur établissement. La Voie Verte des Gaves est un exemple de site majeur très fréquenté par les piétons et vélos, ainsi que du centre Cla’Haras avec plus de 80 chevaux en pension dans ses écuries. Ils sont tous deux des modèles à suivre en termes d’actions de valorisation du label. Les faibles démarches de communication  des  structures  de  petite  taille

s’expliquent par la non-nécessité à recevoir plus de public, c’est le cas d’Ingrid et ses chiens de traineaux. On observe également que les professionnels ayant conscience de ce que représente le label comme certificateur d’un gage de qualité et de différenciation auprès de la concurrence vont avoir tendance à le mettre plus en avant. Afin d’approfondir notre analyse, il convient de faire du lien entre ces différents comportements vis-à-vis de l’utilisation du label et les relations entre professionnels labellisés présents au sein du même territoire.

Les chaînes de collaboration entre les acteurs

Ces entretiens semi-directifs nous ont permis d’étudier les différentes collaborations existantes ou inexistantes entre les professionnels du tourisme et les associations du monde du handicap. Les résultats ont permis de mettre en évidence les fortes interactions entre les organismes privés et les associations. Le centre équestre et les chiens de traineaux nous ont décrit avoir régulièrement des échanges auprès d’associations localisées in et hors du département des Hautes-Pyrénées. Clara nous explique avoir un partenariat avec le comité départemental du sport adapté, qui lui permet d’être contactée régulièrement par des centres de personnes en situation de handicap et d’accueillir à plusieurs reprises des groupes. « Donc avec eux on travaille régulièrement, et c’est eux qui gèrent l’organisation avec les établissements. On propose des portes ouvertes pour faire découvrir l’équitation adaptée, on fait aussi des thérapies avec les patients qui viennent des centres spécialisés, souvent ce sont des associations ». Ingrid travaille également avec des associations dans le domaine du handicap. Des groupes organisent des sorties et viennent régulièrement tester son activité de chiens de traineaux adaptée. « J’ai fait plusieurs centres qui ne sont pas forcément les plus proches. Après, j’ai Le Bialais’ qui est sur (…) ou d’autres centres qui font appel à moi chaque année ».

Quant aux acteurs institutionnels, leurs liens avec les associations sont bien moins évidents. Nos deux responsables en charge de l’activité labellisée déclarent n’avoir à ce jour aucun partenariat avec des regroupements de personnes vivant avec des déficiences. Valérie de la salle d’escalade maintient « pour les associations non pas trop, pas à ma connaissance… ». On retrouve une réponse identique dans le témoignage de Marie-Lys de Lourdes. Elle nous explique que les organismes de voyage de Lourdes tels que Les Diocèses, Sanctuaire ont déjà le monopole dans les séjours adaptés et ne sollicitent pas l’aide de l’Office de tourisme. Pour le cas du funiculaire, le responsable du site témoigne ne pas engager de relation auprès d’associations liées au handicap. Son seul contact avec celles-ci a lieu lorsque des moniteurs viennent faire des formations pour la pratique du Hand-Bike sur le domaine du Jer plusieurs fois dans l’année. Afin d’interpréter ces résultats, on observe que les principaux points communs entre les acteurs qui entretiennent le plus de relations avec les membres du réseau T&H sont : leur statut de gouvernance privé et leur forte sensibilité à l’égard du handicap.

Quelques rappels théoriques sont nécessaires. Dans le cas d’une gestion privée, le processus de labellisation est issu d’un modèle bottum up, c’est-à-dire que les démarches sont le fruit d’actions volontaires de la part des gérants. À la différence des organismes publics qui ont vu leur labellisation propulsée par des élus locaux et par le comité départemental, sans concertation avec les gérants. Dans leur cas, le processus de labellisation est issu d’un modèle top down.

Comme vu précédemment, on sait que les politiques publiques entreprises sur le modèle top down ont connu plus de fragilité dans leur mise en œuvre (Lascoumes, Le Galès, 2018). Les organismes ayant un statut public, telles que la salle d’escalade, le domaine du Jer et la Voie Verte, ne possèdent pas la même sensibilité à l’égard du handicap. De plus, comme l’a prouvé l’enquête, elles indiquent des relations plus timides avec les associations du monde du handicap. Selon Gacoin (2010), les évolutions des politiques publiques indiquent une plus forte probabilité de réception avec la création de partenariat.

L’application « Hérault Mobility »9 est un bon exemple d’instrument technologique conçu sur le mode « institutionnel » qui a pu voir le jour à la suite d’une collaboration d’acteurs. Elle est le résultat d’un projet commun, instrumenté par des services territorialisés du département de l’Hérault, visant à créer un outil de valorisation de l’offre touristique adaptée (Brisset et al, 2020). La concrétisation de cette application est la preuve que le « dialogue social territorial » entre différents niveaux de gouvernement et promoteurs du label, permet d’augmenter la visibilité de l’offre touristique territorialisée (Brisset et al, 2020). On ne peut donc qu’encourager le dialogue entre les acteurs du tourisme avec un but commun de communiquer d’une même voix la médiatisation du label. Des collaborations de ce genre accroient par conséquent le rayonnement du label T&H et participent à sa promotion.

Conclusion

Valoriser le caractère accessible des structures labellisées Tourisme & Handicap suppose une organisation cohérente de l’action publique et de ses programmes d’actions. Cette enquête a souhaité faire émerger les freins aux programmes d’identification et de promotion de l’offre sportive labellisée, localisée sur le territoire des Hautes-Pyrénées. Nous avons pu constater que les typologies de comportement face au label T&H varient d’un professionnel à un autre, en fonction du statut de l’organisme labellisé (public/privé), de la sensibilité des gérants à l’égard des personnes vivant avec des déficiences et de la capacité d’accueil de la structure.

Cette analyse compréhensive a pour objectif d’émettre des recommandations et de proposer des axes d’amélioration à notre problématique de départ. Pour satisfaire le public concerné, les touristes à besoins spécifiques, il s’agira de travailler sur l’implication des gérants dans les démarches de labellisation. Cet article, en questionnant la mise en œuvre des programmes de la valorisation de l’offre labellisée, a mis le modèle bottum up comme référence au processus de labellisation. Ce modèle, au-delà d’inclure les gérants, permet également de travailler sur la sensibilité face aux difficultés que peut rencontrer un touriste aux besoins spécifiques pendant ses vacances.

Dans le but de promouvoir le caractère accessible d’une structure, il s’agit de multiplier les outils de communication grâce à des sources diversifiées. Parmi les moyens traditionnels (affichage, flyer) et informatisés (plateforme de réservation, référencement), nous avons souligné l’importance de la création de partenariat entre les différents acteurs. « La mobilisation d’acteurs ou institutions de nature diversifiées (publiques, territoriales, privées, associatives) est le principal atout et l’effet des projets de développement social ». (Gacoin, 2010, p 83). Les groupements d’intérêt public et privés favorisent la mise en place de programmes de promotion de l’offre labellisée à l’échelle d’un territoire. Il serait intéressant d’accompagner les organismes labellisés dans le développement de relations auprès d’acteurs en lien avec le handicap, ainsi qu’avec les autres membres du réseau T&H.

Cet article a tenté de mieux appréhender la politique Tourisme et Handicap et de poser des bases à l’élaboration de programme d’actions, visant à améliorer l’identification de l’offre touristique labellisée. Il a proposé des recommandations destinées à nourrir la réflexion et l’action des acteurs labellisés ou en devenir. La portée des conclusions qui peuvent être tirées de cette étude doit toutefois être nuancée. L’analyse individuelle de quelques professionnels du tourisme labellisés ne permet qu’une approche partielle de la façon dont les programmes de communication et de promotion du label T&H sont développés. En s’appuyant sur des lectures comme celle d’Amiaud (2012), il serait intéressant d’élargir notre enquête aux stations balnéaires. On pourrait alors observer si l’implication des professionnels dans la politique de valorisation du label T&H, est liée aux stratégies politiques des collectivités et du département, ou simplement à la typologie du territoire. C’est finalement par la combinaison de ces différents points de vue qu’émergera une compréhension plus complète des conséquences de l’action publique.

Bibliographie

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Blaho-Poncé, C. (2013). La chaine de l’accessibilité, pivot de l’accès au Tourisme Handicap. Téoros. 32(2), 104-115. Brisset, L. Blaho-Poncé, C. Le Roux, N. (2020). E-Accessibilité au Tourisme. Le cas de l’application mibile « Hérault

Mobility » Comme instrument d’action publique inclusive ? Nature & Récréation. n°8, 91-100.

Duchesne, S. (2000). Pratique de l’entretien dit ’non-directif’. Les méthodes au concret. Démarches, formes de

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Degros, E. (2013). Accessibilité et droit français : la perspective d’un tourisme durable, égal pur tous. Téoros, 32 (2), 96-103.

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Lascoumes, P, Le Galès, P. (2018). Sociologie de l’action publique – 2ème édition. Armand Colin. Livre numérique, 1- 128.

Marcotte, P, Bourdeau, L, Leroux, E. (2011). Branding et Labels en tourisme : réticences et défis. Management & Avenir. 47(7), 205-222.

Revillard, A. (2017). La réception des politiques du handicap : une approche par entretiens biographiques. Revue française de sociologie. 58(1), 71-95.

Reichhart, F, Lomo Myazhiom A-C. (2013). Accessibilité et communication ou comment rendre visible ce qui est accessible ? L’exemple des informations touristiques destinées aux personnes en situation de handicap en France. L’Harmattan. 53-64.


1 Les établissements recevant du public (ERP) sont des bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes extérieures sont admises. Par exemple, une école, un commerce, un parc d’attractions sont des ERP. (service-gouv.fr)

2 « À l’instar de la population générale, la population des personnes en situation de handicap est composée d’individus qui ont des capacités diverses et, bien évidemment, des besoins différents lorsqu’ils voyagent. L’éventail des handicaps est large, les cinq grandes familles de déficiences sont : motrice, visuelle, mentale, auditive, et les handicaps associés, à distinguer. » (Blaho-Poncé, 2013, p 105)

3 APF (Association France Handicap nouveau nom depuis 2 ans) milite au niveau national dans tous les départements pour permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder à une mise en avant par la politique de tourisme et handicap et satisfassent les critères du cahier des charges de la marque nationale Tourisme & Handicap (T&H). Puis en second lieu, l’enjeu, qui va constituer l’objet même de cette enquête, est l’identification des sites et prestations accessibles par leur recensement et promotion (via des guides, brochures ou portails électroniques) (Reichhart, 2013).

4 Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

5 Ainsi, parmi les labellisés, on notera : des musées, des éco-musées et centres d’artisanat, des restaurants, des offices de tourisme et syndicats d’initiative, des sites proposant des activités sportives ou de pleine nature, des campings, des fermes pédagogiques et des parcs animaliers, des châteaux, églises et monuments, des parcs, jardins et sentiers de randonnée, des caves viticoles et des maisons de gastronomie locale, des centres de congrès, des salles de spectacles et de cinéma, des trains touristiques, des parcs à thème, des plages, etc (T&H, 2013)

6 Modèle de politique publique qui privilégie des actions « imposées » par le « haut », avec faible concertation des acteurs chargés de leur application. Ce modèle serait en opposition avec une approche de type « bottum up » à savoir une politique publique qui émerge « d’en bas » et est coconstruite avec/entre les acteurs concernés (Lascoumes, Le Galès, 2018)

7 Portion de sol comportant un relief inégal, des bosses et des creux, sur lequel il est difficile de circuler

8 HPTE : Hautes-Pyrénées Tourisme Environnement. Agence de réservation et centrale d’information privée associée au conseil Départemental des Hautes-Pyrénées. https://www.tourisme- hautes-pyrenees.com/

9 Hérault Mobility est une application pour téléphone, destinée à faciliter les déplacements des personnes handicapées dans le cadre de leurs vacances. Elle consiste à proposer un tracé de circulation, plus ou moins accessible, à partir d’un répertoire (commerces, hôtels, restaurants, équipements sportifs, culturels…) d’établissements marqués « Tourisme et handicap » et d’une « chaine de déplacement » (voirie, transports) évalués dans le cadre de la candidature d’un territoire à la marque « Destination Pour Tous ». Elle est promue par le département de l’Hérault. (Brisset et. al, 2020)