La popularisation de l’ultra-trail : promotion et valorisation des territoires

L’ultra-trail est une pratique qualifiée d’« extrême » qui a émergé depuis les années 2000. Celle-ci conjugue sport de nature et voyage pour générer une activité physique attractive et originale. Les rassemblements « ultra-trail » se multiplient et forgent une discipline à part entière, aux valeurs et conditions particulières. Toutefois au-delà de la pratique sportive, ces événements répondent à un besoin d’attractivité en termes de retombées économiques, de promotion et de valorisation territoriales. En effet, l’organisation de ces manifestations semble également profiter aux acteurs locaux, qui par cet événementiel, visent à mettre en valeur le patrimoine et soigner l’image locale. Ainsi, sous cette approche sportive atypique mêlant endurance et environnement naturel, peut-on entrevoir l’élaboration d’un modèle de compétition à visée touristique ? dans cette étude qualitative, cinq coureurs et organisateurs aux profils variés sont interrogés pour découvrir leur engagement pour ce sport et ces événements.

Aujourd’hui c’est ce que je ne cesse de dire, si ça ne va pas bien un moment sur le sentier, il suffit de lever la tête, de s’arrêter et de savourer le moment. La chance qu’on a de pouvoir être là, […] je pars en vacances parce que j’habite Angers, parce que quand je suis dans les Alpes ou dans les Pyrénées ou que j’ai eu la chance d’aller à La Réunion, c’est vraiment des vacances. (Mickaël W.).

Paris, New York, Berlin sont certes présentées telles de grandes métropoles au fort potentiel touristique, mais en parallèle, les capacités structurelles de ces capitales en font des candidates idéales à la sélection pour régir les rencontres sportives internationales. Attirant des spectateurs et des sportifs du monde entier, participants, professionnels en tout genre (médias, sécurité…), spectateurs, ou même visiteurs se rassemblent pour l’occasion. Ces manifestations cristallisent l’idée de vitrine de ces villes désignées « hôtes ». Ici, un tourisme sportif ancré sur le lien entre territoire et pratique sportive s’affirme. Ces partenariats donnent naissance à l’organisation de compétitions officielles labellisées à l’image du « Marathon » ou du Tour de France, où visiteurs et spectateurs découvrent la diversité des villes et du pays. Ce type d’événement sportif est élaboré pour notamment susciter le développement d’une forme de tourisme atypique, fondée sur la participation des divers acteurs précités. Réciproquement, ces rencontres sportives mettent aussi bien en valeur la discipline en question que le patrimoine environnemental, historique et culturel local. En effet, la médiatisation de certaines compétitions internationales en fait des destinations touristiques de choix et en stimule les visites. Par effet de ruissellement, cette approche événementielle combinant compétition sportive et tourisme patrimonial se répercute sur l’univers de l’Ultra-trail, permettant aux coureurs de visiter sportivement une région, des environnements naturels particuliers et des paysages à couper le souffle.  L’ultra-trail est une course supérieure ou égale à 80 km dont le dénivelé positif est supérieur à 2000m. Ce sport demande une capacité d’endurance extrême et une adaptation progressive du corps pour cet effort intense, long, et traumatisant pour les muscles. Cette discipline certes difficile, provoque une adhésion se mondialisant. Cet engouement doit beaucoup aux marques de matériel outdoor qui ont su exploiter le mouvement d’« écologisation » du sport[1]. Mais cet essor est aussi mis en lien avec le développement de capacités cognitives et de performances de haut niveau pour les athlètes, avec le fait de se challenger soi-même, défier ses limites physiques et intérieures, puis voyager avec cette passion pour l’ultra-trail sur les différentes courses organisées aux quatre coins du monde. En concomitance avec le développement de nouveaux circuits sur le Globe, le nombre de participants aux courses augmente chaque année comme le montre la participation à l’ultra trail du mont blanc (’UTMB World Series) avec 722 préinscrits en 2003 contre 22 853 en 2022. L’évolution est telle que le nombre de participants est désormais bloqué à 10 000 coureurs. Le développement des activités de pleine nature associé au tourisme connaît une forte augmentation depuis les années 2000 (Buron G., Bessy O., 2016) permettant de générer des retombées économiques diverses sur les territoires (Cf. Annexe 1). C’est un vecteur d’image, de dynamisation du territoire, de rayonnement et de diversification des activités pour les stations de montagne[2]. L’organisation de compétitions « ultra-trail » s’inscrit dans cette dynamique avec la plus connue en France à ce jour, l’UTMB Mont-Blanc, une course de 170 km réunissant 10 000 coureurs du monde entier. Autour de ces événements sportifs s’effectue une internationalisation avec une richesse de la diversité culturelle et environnementale, afin d’accroître l’attractivité du territoire et de toucher des nouvelles populations (spectateurs, sportifs loisir, famille, amateurs…). Cette notion de tourisme sportif reste récente et a su se forger une place dans l’économie mondiale, dans les mœurs et la culture. La question que pose ce travail est de rechercher le lien existant entre la représentation que l’on se fait d’une localité et de la dimension événementielle des compétitions d’ultra-trail prenant place sur son territoire. Ainsi, la représentation d’une localité ou d’un territoire et sa médiatisation patrimoniale participent-elles à la création d’un modèle touristique fondé sur l’événementiel des compétitions d’ultra-trail ? Autrement dit, est-ce que l’événementiel ultra-trail sert de faire-valoir patrimonial et territorial pour en stimuler les visites touristiques ?

Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT, 2000), le tourisme est un « phénomène social, culturel et économique qui implique le déplacement de personnes vers des pays ou des endroits situés en dehors de leur environnement habituel à des fins personnelles ou professionnelles ou pour affaires ».  C’est à partir des années 1980 qu’il s’ancre dans la société et dans les mœurs (Glyptis, 1982). De nombreux travaux contribuent à dessiner les contours du tourisme sportif comprenant le territoire dans sa dimension culturelle, ses stratégies économiques etson développement. Émergent alors plusieurs définitions. La première de Standeven & De Knop en 1999 valorise les déplacements associés à la pratique d’un sport sur un autre continent. Ou encore l’approche de Gibson en 2002 concerne les différentes participations dans le sport. Et pour finir, celle de Pigeassou en 2002 en lien avec l’identification des différents acteurs et objets du tourisme sportif.

Bouchet P. et Bouhaouala M. en 2009 approfondissent cette notion à travers une analyse des travaux précurseurs en la matière. Par exemple, selon Redmond (1990-1991), le tourisme sportif comprend : les spectateurs d’événements sportifs, la participation active dans l’activité sportive, et les visiteurs culturels sportifs (musées, monuments, installations…). Selon Nogawa et al. (1996) il y aurait aussi 3 types d’usage pour lesquels il faudrait voyager pour prendre part à un événement sportif, pour assister à un spectacle sportif ou pour participer à des activités sportives auto-organisées. Ainsi, de nombreux acteurs s’appuient sur le sport pour promouvoir l’attractivité de leur territoire et les activités physiques de pleine nature. Les événements de sports de nature comme l’ultra-trail vont permettre un accroissement de la population sur le territoire, de ses visiteurs, ainsi qu’une mise en valeur de son patrimoine culturel. L’attractivité touristique locale s’appuie sur le phénomène social sportif. En ce sens, l’événementiel sportif compétitif permettrait la mise en tourisme d’une localité. Cette notion de « mise en tourisme est le processus de création d’un lieu touristique ou de subversion d’un lieu ancien par le tourisme qui aboutit à un état : le lieu touristique »[3]. La mise en tourisme peut être aussi mise à profit à travers l’image touristique du territoire hôte par le processus de « vitrine ». Mobilisant la perception de la manifestation sportive par les participants et les spectateurs, elle rend compte de leur perception du lieu de l’événement. Cela peut inciter à y repartir en vacances ou participer une nouvelle fois à la compétition.

Cet article va ainsi tenter de saisir dans quelles mesures la pratique de l’ultra-trail sert de tremplin à la mise en tourisme d’un territoire, à sa promotion et sa valorisation. Cette étude aborde le sujet de façon qualitative où différentes hypothèses ont été émises puis validées ou invalidées suite aux différents entretiens. Puis une analyse des résultats obtenus va permettre une meilleure compréhension des points de vue des différentes personnes interrogées aboutissant sur des réflexions mêlant la mise en tourisme d’une localité par le développement des sports de nature et, plus particulièrement, ici l’ultra-trail.

Méthodologie

Afin de fixer le cadre de cette recherche et dessiner les contours du guide d’entretien, recentrer les entretiens sur les parcours personnels et les avis des interviewés donne de la matière pour définir et connaître leur lien avec l’ultra-trail et ses diverses manifestations. Adopter un point de vue qualitatif nécessite d’avoir un public ciblé qui est en mesure de répondre à mes interrogations.

Les entretiens semi-directifs réalisés ont permis d’approfondir les points de vue des deux profils d’individus interrogés et de comprendre les besoins qui découlent des territoires. D’après Lincoln (1995) « l’entretien semi-directif est une technique de collecte de données qui contribue au développement de connaissances favorisant des approches qualitatives et interprétatives ». Il a été primordial de déterminer les critères de la sélection de cet échantillonnage, de sorte à obtenir deux points de vue différents, et englober au mieux le sujet de cette recherche.

 Identité – RôleProfessionLocalisation
1Mathieu D. – Coureur
Durée entretien 50 min
Ultra-traileur professionnel – étudiant.Lyon 69000, Rhône-Alpes.
2Mickaël W. – Coureur
Durée entretien 1h
Chargé de développement France Sport Emploi.Angers 49000, Maine-et-Loire.
3Pierre-Yves D. – Coureur
Durée entretien 40 min
Gendarme.Rochefort 17300, Charente-Maritime.
4Nahuel P. – Organisateur
Durée entretien 1h20
Chargée de communication, responsable organisation.Pamiers 09100, Occitanie.
5Kévin B. – Organisateur
Durée entretien 35 min
Co-directeur templier Events.Millau 12100, Occitanie.
Tableau n°1 : Profil des enquêtés, non anonymisé
(accord des enquêtés)

Trois coureurs d’ultra-trail ont été interrogés. Des coureurs de genre masculin dont un professionnel, un amateur et un situé entre les deux. Deux personnes membres ou en lien direct avec l’organisation d’un événement d’ultra-trail ont aussi été interrogées.

Afin de comprendre les différents points de vue concernant l’aspect de ces événements, interroger des organisateurs et des coureurs sur leurs visions a permis d’élargir au maximum cette réflexion. J’ai contacté les enquêtés via mon réseau de connaissance ou suite à des recherches de profils types sur la plateforme LinkedIn. Ces entretiens ont été réalisés à distance en visioconférence en raison des conditions sanitaires liées au Covid 19 et la non-possibilité de me déplacer. Interroger les personnes à distance a permis de prendre du recul sur les différentes situations et d’englober au mieux la problématique directrice de cette recherche. La durée moyenne de 50 minutes des entretiens permet aux interviewés de répondre aux différentes questions posées tout en les discutant et en exposant leurs points de vue sur d’autres notions restant en lien avec le sujet.

Le traitement des données a été effectué par analyse thématique. Ces analyses permettent de comprendre la signification des dialogues et d’en dégager du sens en écho au questionnement, par exploration ligne par ligne, étape par étape, des textes d’interviews ou d’observations (Berg, 2003). Sortir les réponses des interviewés, pour les traiter, les classer, les codifier a ensuite permis de présenter et analyser les résultats obtenus. Le guide d’entretien formalisé par codage permet l’analyse, l’interprétation des interviews et de présenter les résultats de l’échantillonnage représentatif des coureurs et des organisateurs.

Concernant les limites de cette recherche, pousser la réflexion sur les spectateurs, leurs motivations, leurs choix, leurs attraits pour la localité ou l’événement pour lequel ils sont venus, apporterait des ressources supplémentaires pour englober et approfondir au maximum l’étude.

À travers cette analyse, découle une interprétation pour répondre à la problématique et établir qu’il existe un lien entre la représentation que l’on se fait d’une localité et les compétitions d’ultra-trail qui y ont lieu et que ce lien est complexe et multifactoriel.

La mise en tourisme d’une localité par les événements d’ultra-trail

Promotion du patrimoine local et culturel au travers de l’événementiel sportif d’ultra-trail

De ces échanges avec des organisateurs et coureurs, la promotion du patrimoine local et culturel semble être un des objectifs majeurs des événements ultra-trail. Ces courses officielles, de manière générale, sont organisées dans le but de créer une mise en valeur territoriale et régionale. Cela fait réfléchir sur le fait que les politiques locales et territoriales renforcent l’attractivité de cette dernière en matière de tourisme et de promotion des sports de nature sur leur territoire (Bessy, 2008).

Le développement des sports de nature et donc de l’ultra-trail depuis les années 2000 répondrait ainsi à un besoin d’une localité de jouer sur son image par l’offre touristique et sportive. Les valeurs dégagées par l’organisation de l’événement doivent faire la promotion de ces mêmes valeurs présentes dans la commune. Cette valorisation du territoire permet d’acquérir un tourisme sportif fort, appuyé par Nahuel : « ça attire des gens du monde entier : on a eu des japonais au départ, des gens de Brésil, de la Russie, d’Israël, d’Afrique du Sud, de partout ». En général les coureurs viennent avec de la famille ou des amis lors de la course, mais ils reviennent aussi très souvent en vacances les années d’après. « Il y a un phénomène accompagnant (…) les gens couplent ça avec des vacances. Donc on a des coureurs qui viennent et après qui restent une semaine voir deux, ou avant en vacances (…) c’est un produit touristique » (Nahuel, organisateur de course).

Les organisateurs réfléchissent en amont aux diverses possibilités d’accueillir cet afflux de personnes lors des courses organisées. Une dynamique sportive et touristique est ainsi créée par cette pratique. Notamment, « la distinction entre le temps réservé aux seuls déplacements et le temps consacré à l’activité ou à la visite touristique est l’autre clé de la capacité attractive d’une destination » (Lozato-Giotart, Leroux, Balfet, 2012, p.33). Pour une mise en tourisme positive et réussie, il est nécessaire de disposer de solutions d’hébergements, de transports et d’alimentation. Les coureurs et les potentiels accompagnants profiteront ainsi de quelques jours sur le territoire et bénéficieront de services associés en parallèle de l’évènement principal. Mickaël l’exprime comme le fait que « c’est un aller-retour en Auvergne, on fait une voiture on est 5 coureurs, on a pris une chambre d’hôtel samedi soir pour dormir et puis on va vraiment être en mode aller-retour (…) c’est avec la consommation locale ». Cela nécessite une analyse stratégique sérieuse du territoire de la part des acteurs et organisateurs.

Les coureurs interrogés visitent les sites touristiques, dépensent dans les commerces locaux et dans les différents hébergements de communes. Le critère environnemental et de durabilité comme les partenariats avec les producteurs locaux est aussi pris en compte. Les événements ultra-trail essaient de privilégier un circuit direct pour faire connaître et participer à son développement touristique local. Cette demande est à l’initiative des communautés de communes. « Le traileur peut désormais être considéré comme un touriste, visiteur sportif à la recherche d’une course pour s’éprouver physiquement mais également d’un territoire à découvrir et dont les caractéristiques justifient en elles-mêmes son déplacement. » (Glen Buron, 2020). Comme le montre Glen Buron, le traileur est un atout considérable avec des valeurs fortes ayant un penchant pour le patrimoine local et qui va apporter un attrait touristique pour la ville ou la commune. Ces déplacements de sportifs vont permettre au territoire de proposer différentes stratégies qui seront nécessaires pour le développement du territoire.

Stratégie de communication et de développement du territoire

« Chaque territoire, quelle qu’en soit l’échelle géographique et humaine, jouit d’une « touristicité » ou potentialité attractive théorique » (Lozato-Giotart, Leroux, Balfet, 2012, p.31). L’auteur souhaite ainsi démontrer que quel que soit le territoire, ce dernier peut être mis en valeur et vaut d’être découvert.

Les outils de communication, notamment pour les territoires de montagnes restent importants ne serait-ce que par la concurrence présente entre les différents territoires tels que les Alpes, les Pyrénées ou encore le Massif central. Si l’on prend l’exemple de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), les organisateurs cherchent à promouvoir une image autre du territoire avec son appétence grandissante pour les sports de nature et ainsi attirer un nouveau type de public « non élitiste » (Bessy, 2012). Il a ainsi été démontré que la fréquentation du site s’est fortement accrue avec les différentes stratégies de communication et de différenciation pour leur territoire. L’UTMB reste aujourd’hui un des événements d’ultra-trail les plus médiatisés et connus dans le monde entier et est même représenté à l’heure actuelle en tant que marque.

Les organisateurs de course d’ultra-endurance, d’après les entretiens et l’exemple de l’UTMB, mettent l’accent sur la stratégie de communication et de développement de leur évènement. Cette communication se dirige vers les coureurs d’ultra-endurance et non vers des personnes n’en ayant jamais ou très peu fait. Le public reste très ciblé. La première étape de cette stratégie est d’aller chercher un public auprès d’autres événements pour se faire connaître, puis de se créer un « gros noyau de bénévoles et c’est bien là la clé de la réussite (…) 750 bénévoles » d’après Nahuel (organisateur). Elle consiste aussi à réussir à créer « une niche », un format de course attractif et qui peut se démarquer d’autres événements d’ultra-trail. Aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir une grande visibilité en termes de « réseau », mais aussi de passer par « de la communication classique, Facebook, Instagram » rajoute Nahuel. De plus, « on entend par réseau social, une communauté d’individus reliés entre eux de par leurs origines, leurs centres d’intérêts, leurs besoins, leurs points de vue proches ou similaires, dans le cadre d’interactions pouvant donner lieu à des échanges d’informations, des logiques, d’entraide et de partage d’expériences, source d’apprentissage. » (Barabel, Mayol, Meier, 2020/2). En parallèle, concernant les médias de diffusion, beaucoup de journaux locaux et nationaux sont utilisés : Au début elle était surtout sur notre média, parce que à la base on avait un média de course à pied qui s’appelle VO2 magazine et Endurance magazine qui nous ont permis de développer et d’axer notre communication grâce à ça, puis après c’est la base de données, les newsletters, et maintenant les réseaux sociaux. (Kévin B.)

Pour l’organisation de son événement, Nahuel est aussi passé par les mêmes moyens médiatiques notamment « les journaux nationaux parce que la clientèle locale on l’a déjà et ce n’est pas elle qui va nous remplir la Picapica » et il rajoute qu’« on peut avoir de la visibilité nationale voire internationale, on fait des articles dans les médias japonais, des médias tchèques … ». Toutes ces communications vont ainsi permettre d’attirer un certain nombre de personnes pour les différentes courses, que ce soient des personnes pour leur loisir ou en tant que compétiteur. Chacun choisit son mode de course, le territoire et les paysages qui l’attirent, contribuant par extension à l’activité touristique et économique du territoire.

L’attractivité économique dégagée par ces événements

« Évaluer les retombées économiques de ces manifestations sur les territoires d’accueil est l’une des conditions nécessaires à la pérennisation de cette offre riche et diversifiée en permettant à ces territoires et aux partenaires financiers d’ajuster et affiner leur politique événementielle »4 (rédigé par Jarrige B., à destination des organisations de manifestations sportives de nature). L’auteur montre qu’il est nécessaire d’analyser tous les aspects économique, politique et environnemental qui vont découler d’un événement sportif afin de pouvoir bénéficier des avantages ou d’éviter les inconvénients relatifs à ces derniers, pour les éditions futures.

L’attractivité économique est très présente et importante dans l’organisation de ces courses pour les retombées sur le territoire en termes de tourisme et de sport. En ce qui concerne le Festival des Templiers, Kévin explique que c’est un « événement entre guillemets d’attractivité économique pour le territoire, le développement de notre ville et de notre communauté de communes. Mais aussi de notre région parce que c’est le premier événement sportif en termes de retombées économiques de la région Occitanie », et qu’il génère « des millions d’euros de retombées économiques sur le week-end de l’événement ». Étant le premier événement d’ultra-trail en France, depuis 30 ans cet événement a su s’implanter dans la culture et dans le patrimoine local de la ville de Millau et de la région Occitanie. Il y a ainsi des retombées via son organisation du fait d’un travail en collaboration avec les prestataires locaux ; et cela engendre pour les entreprises de payer des taxes en local, pour la région. Par ce biais, Nahuel rejoint Kévin dans ses propos. Il dit que l’« on est là pour générer des retombées économiques et de la visibilité sur nos territoires ». Chacun de ces organisateurs a dit répondre à un besoin d’une communauté de communes qui souhaitait redynamiser son secteur touristique et unifier les différentes municipalités aux alentours afin de créer un événement complet qui permet de l’ancrer dans l’histoire et dans le patrimoine local. Ainsi, « l’adéquation entre l’offre et la demande, notamment d’un point de vue économique, demeure étroitement liée à l’adéquation territoire-tourisme. »  (Lozato-Giotart, Leroux, Balfet, 2012, p.37). Enfin, l’organisation d’un événement d’ultra-trail peut avoir un impact sur l’emploi local. L’embauche de bénévoles locaux et la nécessité de renforcer les services de transport, de sécurité et de santé pour l’événement peuvent créer de nouvelles opportunités d’emploi pour la population locale.

Ces événements peuvent avoir un impact économique significatif sur les villes et régions hôtes, en stimulant l’activité économique locale, en attirant des sponsors et des partenaires, en renforçant le tourisme local et en créant des opportunités d’emploi. Les dimensions sociales et économiques de ces événements vont intervenir sur l’image du territoire ainsi que sur sa perception aux yeux des locaux et des touristes.

L’organisation d’un événement d’ultra-trail : l’effet vitrine sur la localité « hôte »

L’évènementiel sportif à travers l’ultra-trail est intégré dans la stratégie marketing de l’image territoriale par les acteurs ou parties prenantes du territoire dans le but de développer l’attractivité de ce dernier. Plus l’événement renvoie une image positive, plus la localité sera reconnue et grandie par cette image. Pierre-Yves (coureur) le montre à sa manière, « je me tourne maintenant sur des courses où je sais qu’il y a un intérêt au niveau du tracé, des paysages (…) je recherche plutôt des courses qui sont intéressantes au niveau de la destination, des panoramas ». Le touriste ou le coureur consomme de manière active et participative l’ensemble des services proposés par la localité « hôte ». Ceci dans un lieu qui se situe en dehors de son environnement habituel, pour une période consécutive, à des fins de loisirs, vacances, compétition, et événements dans le cas des courses d’ultra-trail (Marchat, Camelis, 2017/1). Si l’événement plaît, ces personnes reviendront les années suivantes soit pour courir à nouveau la course soit en vacances pour découvrir de manière plus approfondie le territoire, ses ressources et ses acteurs locaux. Comme l’explique Mickaël, « c’est ma chance, c’est-à-dire que ma femme et mes enfants me suivent, peut-être pas sur toutes les courses, mais sur les grands événements ou les courses plus longues c’est vrai qu’on planifie souvent nos vacances autour de courses ». Les touristes sont ainsi attachés aux valeurs que l’événement apporte à la destination, aux paysages et aux sensations qu’elles font vivre à travers leur image. Les touristes retiennent cela afin de pérenniser leur participation ou l’attrait touristique dessinant une destination de vacances. La satisfaction touristique, la qualité et valeur perçue font partie des déterminants de la fidélité (Bigné et al. 2001, Yuksel et al., 2010).

Les événements sportifs permettent la découverte d’un territoire et le développement de sa notoriété auprès d’un public spécifique et ciblé. Ils permettent ainsi de valoriser l’image de la localité « hôte » (Baakil, Youssef, 2020). De manière générale, les événements sportifs sont des moteurs pour l’attractivité touristique et la promotion territoriale d’une localité. Les objectifs derrière cet événementiel sportif sont de « plus faire connaître le territoire au grand public, l’objectif des acteurs territoriaux est de construire durablement une image qui leur soit favorable. Il s’agit d’influencer positivement la perception que le public ou les habitants ont d’un territoire donné en l’associant aux à priori de la pratique sportive. » (Hautbois, Desbordes, 2008). Comme le précise Kévin, le développement de plusieurs formats de courses permet d’enrichir le territoire par le sport et de réunir beaucoup plus de monde. La création « des courses enfants, des courses sport-adaptés, des courses dédiées spécialement aux femmes pour pouvoir rendre l’accès plus facile au trail aux femmes » fait partie de l’enrichissement culturel et patrimonial de la localité.

La marque de la destination est considérée comme étant un succès lorsqu’elle est capable de projeter une image simple, attirante, crédible, et distincte (Kotler et Gertner, 2022).

Par l’organisation des courses d’ultra-trail, les organisateurs proposent une valorisation du territoire et les coureurs recherchent ces différents paysages et endroits insolites. Cette décision découle du terrain, de la beauté et de l’attractivité environnementale. Ainsi, pour Mickael l’ultra-trail « n’est qu’un mode de consommation de la montagne », chacun est libre de choisir sa destination. Ces événements s’inscrivent dans un processus de fidélisation de ses coureurs et d’innovation pour en gagner des nouveaux, et conquérir le cœur des accompagnateurs.

Conclusion

Cette recherche s’appuie sur le concept de mise en tourisme d’une localité par les manifestations sportives de pleine nature de type ultra-trail, dans l’établissement et la construction d’une relation pérenne entre les organisateurs de l’événement, les communautés de communes et les touristes. Elle suggère tout d’abord une valorisation et une promotion du patrimoine local et culturel du territoire. Afin de mettre en avant les points attractifs, sportifs, et bénéfiques de la destination aux yeux des coureurs et touristes, la mise en place d’une stratégie de communication et de développement à différentes échelles est nécessaire. Cette stratégie est basée sur l’expérience des coureurs lors de l’effort, mais aussi sur ceux s’étant adonnés au plaisir de goûter les spécialités locales, les producteurs locaux et les autres richesses que peut proposer le territoire. Par ce biais, il est important de préciser les retombées générées par l’événement tant sur le plan sportif, touristique, culturel que patrimonial. En dernier lieu, cette stratégie consiste à créer cette offre touristique par l’événementiel sportif

d’ultra-trail, une représentation symbolique prônant de fortes valeurs et productrice d’émotions. Par la fondation d’une image de marque, elle permet de provoquer et d’éveiller un attachement grandissant à la destination et à la course, pour en faire un lieu de vacances loisir et sportif, dans lequel les visiteurs reviendraient annuellement. Cependant, différents aspects notamment liés aux causes environnementales actuelles peuvent controverser les aspects positifs liées à ces événements. Notamment, l’emprunte carbone de ces événements, indirectement lié la manière dont les coureurs et spectateurs du monde entier vont se déplacer pour venir à l’évènement. Le moyen de locomotion le plus utilisé reste tout de même l’avion.

Par ailleurs, le circuit UTMB ouvre une nouvelle course en Afrique du Sud dans le courant de l’année 2023. Ce nouveau circuit pourrait poser des problématiques en termes d’impact écologique qui serait controversé alors qu’il s’agit d’une activité de pleine nature, mais aussi en termes d’attractivité car cette destination est plus difficile d’accès pour des raisons économiques et lointaines.

Nous pouvons alors nous poser la question de savoir comment promouvoir ce sport de pleine nature qu’est l’ultra-trail, malgré les controverses environnementales actuelles ?

Bibliographie

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Annexe

Annexe 1 : Évolution du nombre d’événements trail en France métropolitaine entre 1995 et 2016. (Source : Buron G. et Bessy O., décembre 2016)


[1] SOULÉ-BOURNETON Florence (2017), L’ultra-trail est l’avatar d’une société de la performance, Le Monde.

 

[2] LAMY Guillaume (2015), Retombées économiques : UTMB, le n°1 des trails, Lyon Capitale.

[3] Définition de mise en tourisme, touristification, Géo confluences, ENS Lyon, janvier 2011, mis à jour février 2023.

4 JARRIGE Bertrand (2010), Évaluation des retombées économiques d’une manifestation sportive de nature : Outils pour la mise en œuvre, édition du Pôle Ressources Nationales Sports de Nature.