Être surfeuse marocaine : dépasser l’enculturation genrée de son pays

Au Maroc, le surf est le reflet d’une différenciation selon le sexe des pratiquants, reliée aux représentations traditionnelles et aux attentes sociales relatives à chaque sexe. Par le biais d’observations in situ et l’analyse de discours de Marocain(e)s, il en ressort que cette différence est le fruit d’une enculturation genrée toujours présente dans le pays. Le récit des surfeuses marocaines interrogées met en avant que le surf représente un véritable défi social qui prend une forme différente selon leur vécu. Il n’existe pas un type de surfeuse et toutes présentent des profils différents. Chaque femme devient actrice de ses propres décisions et adopte les tactiques les plus adéquates pour parvenir à surfer. Dans ces cas-là, le surf peut être un vecteur de son émancipation. Pour d’autres, dépasser les modèles sociaux de leur pays semble plus complexe, ce qui peut mettre un terme à leur pratique du surf.

Une enquête au Maroc : à la rencontre de surfeuses locales

Depuis que je suis petite au Maroc, on m’a toujours dit « tu pourras pas faire ça parce que t’es une fille », c’est ce genre de choses qu’on te dit parce que t’es une fille. Et pour moi, de défier, c’était vraiment de leur montrer qu’en fait c’est pas parce que je suis une fille que je peux pas faire. Donc je me suis mise au surf.

Asma, surfeuse de Rabat (carnet, 2019)

Aujourd’hui encore, la phrase de cette jeune Marocaine résonne dans ma tête. Elle me rappelle un fait qui m’a fortement interpellée la première fois que j’ai travaillé dans un camp de surf au Maroc en 2018, dans un village près d’Agadir : l’absence de femmes locales dans l’eau. En effet, j’ai été particulièrement marquée de constater que, dès que je m’approchais de la plage, je ne voyais que très peu de Marocaines et encore moins sur une planche. Pourtant je voyais sur ces mêmes plages plusieurs surfeuses originaires de pays occidentaux et j’ai moi-même eu l’occasion d’apprécier les vagues de ce pays. Où sont les surfeuses locales ? Sont-elles « invisibles » dans ces espaces ? L’envie de comprendre ce phénomène est alors devenue préponderante, au point de vouloir y consacrer un travail d’enquête[1].

Il s’agit ici de s’intéresser aux parcours de femmes marocaines qui surfent, à leur vécu et ressenti. Comment sont-elles devenues surfeuses ? Pour mieux comprendre ce phénomène social, il est tout aussi important de s’intéresser au fonctionnement de la société dans sa globalité quant à la condition des femmes, car l’un n’existe pas sans l’autre[2]. Dans cette optique, cela va « quelque part permettre au chercheur de replacer l’homme au cœur de la société » (Demouge et Olivier, 1999 : 209) et le travail de terrain est envisagé comme « l’observation des gens in situ » (Hughes, 1996 : 267). Les données ethnographiques proviennent d’enquêtes de terrain que j’ai effectuées au Maroc, dans des villages près d’Agadir en 2018 et 2019[3].

Selon Lapassade, participer signifie s’intégrer (1993). Pour ma part, mon intégration a été progressive et facilitée par deux référents : une amie de France, native de l’un de ces villages, et Malik (62 ans), ancien surfeur marocain. Dans l’un des villages de la commune d’Agadir, mon intégration s’est faite par répétition, le fait d’être vue, de faire partie du paysage quotidien des habitants, de me montrer sympathique tout en restant discrète. Tous ces éléments ont fait que les habitants se sont montrés accueillants, même si certains regards étaient là pour me rappeler que j’étais « différente »[4]. Mon amie était sur place la première année et côtoyait notamment le café où se rassemblaient tous les surfeurs marocains du coin. Quant à Malik, il a joué un grand rôle dans mon entrée dans « l’intimité culturelle » des sujets étudiés (Herzfeld, 2004) : il s’est montré très investi pour me venir en aide, que ce soit pour partager des contacts ou m’en apprendre plus sur le fonctionnement de la société au Maroc.

Pour cette étude, les témoignages présentés, entretiens et situations décrites, ne sont que le résultat de l’effet « j’étais là » (Clifford, 1996 : 42), de ma personnalité, du fait que je sois une femme[5] et que j’ai masqué mes intentions d’enquête. Sur le terrain, mon carnet de bord et mon dictaphone n’étaient jamais très loin de moi[6]. Rencontrer des surfeuses locales n’a pas été si simple. C’est pourquoi, le temps de prendre mes marques, j’ai eu une longue première phase d’observations. J’observais tout ce qui m’environnait, allant du fonctionnement du village et de ses habitants ainsi qu’aux usages de la plage et des cafés de bord de mer. C’est notamment là que j’ai pu rencontrer de nombreux surfeurs locaux, observer leurs comportements, leurs sessions de surf, écouter leurs échanges et prendre part à ces derniers, et même partager des vagues avec eux. J’ai adopté leur rythme de vie dicté par les conditions météorologiques pour ne pas manquer les grands rassemblements de rideurs[7].

Une quinzaine de jours après mon arrivée en 2019, ma première rencontre s’est faite avec l’un de mes sujets, Nora, au café local. Elle s’est très rapidement confiée à propos de sa vie et n’a pas hésité à aborder elle-même tous les sujets qui pourtant peuvent être considérés comme sensibles (alcool, drogue, relation homosexuelle, etc.). Notre relation s’est faite sur la continuité, nous nous fréquentions quasiment tous les jours. 

M’étant renseigné avant mon arrivée sur le terrain, je savais que la championne de surf du Maroc habitait l’un des villages et c’était pour moi une évidence d’aller à sa rencontre. Voyant que ma rencontre avec Marwa n’allait pas se concrétiser (elle n’est jamais venue à nos rendez-vous), j’ai décidé de demander à des surfeurs s’ils la connaissaient. Cette approche s’est avérée productive, j’ai obtenu de nombreux éléments la concernant et j’ai donc estimé intéressant de la considérer comme l’un de mes sujets.

Grâce à Malik, Inès a su que je souhaitais rencontrer des surfeuses marocaines et a manifesté son envie que l’on se rencontre, sans doute « un besoin d’écoute, de reconnaissance et de compréhension » (Galligani, 2000 : 24). Autour d’un café, c’est elle qui a pris la discussion en main. À la fin de notre échange, elle a contacté l’une de ses amies sur qui je pouvais compter pour discuter de son expérience de surf. Mon réseau auprès des surfeuses marocaines commençait alors à se tisser.

Du fait de contraintes spatio-temporelles, ma rencontre avec Asma (amie d’Inès) n’a pu se faire physiquement. La solution trouvée a été un appel téléphonique (35 min) et l’échange a pris la forme d’un récit de vie avec pour ligne directrice : « Raconte-moi ton expérience dans le surf ».

Tableau : échantillon d’analyse – présentation des quatre surfeuses marocaines interrogées[8]

Décider de pratiquer le surf en tant que femme marocaine

Premiers pas dans le surf : mimétisme ou confrontation ?

J’ai pu noter que Marwa et Nora sont passées par un apprentissage par mimétisme des surfeurs locaux[9]. C’est en observant et reproduisant les mouvements, les techniques des surfeurs qu’elles ont affronté leurs premières vagues. Pour se créer une place dans l’eau, pour ces deux surfeuses, tout s’est passé en premier en dehors : se rapprocher des hommes et se comporter comme eux (carnet, 2019). Une skateuse de Taghazout, proche de Marwa, me confie  « Pour suivre, il faut être comme un garçon… C’est comme ça que tu peux t’adapter à ces gens [les surfeurs] ».

C’est ce qu’a fait Marwa qui, dès son plus jeune âge, s’est sentie plus proche de la gent masculine. Cette approche a semblé porter ses fruits, « on ne la traitait pas comme une fille » (un surfeur de son village). Marwa, aux yeux des surfeurs, était comme eux, mais en réalité, cette dernière subit des violences symboliques (Thorel et Necker, 2013) en raison de sa « non-féminité », comme l’atteste le surnom que lui attribuent les surfeurs : « Mohamed » ou « Med ». Cela souligne particulièrement le rejet des surfeurs par rapport au fait qu’elle soit une femme. Nora, elle aussi, veut s’identifier aux surfeurs et imite leurs pratiques pour se faire accepter et trouver une place dans cette communauté. C’est d’ailleurs en fréquentant ces surfeurs qu’elle s’est mise à pratiquer davantage le surf. Pour expliquer la situation de Nora, il semble nécessaire d’ajouter des éléments contextuels. En effet, dans ce village, il faut savoir que « c’est aussi les gens qui échouent niveau scolaire qui se consacrent au surf » (Malik). La plupart des surfeurs du village sont jeunes, déscolarisés et passent leurs journées à affronter les vagues. Pour les plus chanceux, certains trouvent un travail dans le milieu et deviennent moniteurs dans des camps de surf. Tous se connaissent. La passion du surf semble les rapprocher, mais pas que… la drogue aussi. Quand ils ne sont pas sur les vagues, ils se retrouvent au café à discuter surf autour d’un thé à la menthe et un joint à la main (carnet, 2018). À cette table, se trouve aussi Nora adoptant les mêmes comportements, les mêmes consommations.

(Carnet, 2019)

Inversement, Inès et Asma ont suivi des cours structurés en club et une tout autre tactique est adoptée : c’est dans l’eau que tout se passe. C’est en s’imposant sur les vagues que l’on se crée sa place, car « le surf est un sport masculin » (Inès).Dans ce sport, tout est question de prestance, il faut montrer qu’on est prête à se battre pour pouvoir surfer la vague.

« C’est plus quelle confiance tu dégages et comment tu te positionnes : si tu es vraiment like agressif ou bien un peu en retrait. Si le mec, il te voit en retrait, il va pas te laisser bien-sûr… Moi ça dépend des jours. Des fois, je vais m’en foutre complètement like « allez-vous faire foutre » et des fois je vais plus limiter mon comportement ».

 (Inès)

Ces propos sont soutenus par ceux d’Asma

« Quand ils voient une nana avec une planche, ils se disent « elle va pas la prendre » […] J’ai appris à faire ma place dans le peak[10]. Il faut s’imposer, montrer qu’on est là ! Mais maintenant ils savent, quand moi je démarre, ils ont pas intérêt à ramer avec moi (rires) ».

Un a priori quant au fait d’être femme est notable. C’est pour cette raison notamment que ces deux Marocaines ont cherché à s’imposer pour gagner le respect des autres surfeurs. D’ailleurs, pour l’une d’elle, cela lui a valu un surnom quelque peu plus flatteur que celui de Marwa :

« Asma en arabe tu sais ce que ça veut dire ? Ça veut dire princesse (rires). Et donc ils m’appelaient la princesse de Kébir. Kébir c’est un spot hyper dangereux à Rabat ».

Inès ajoute que

« Marwa a la vision que le Maroc c’est pas pour les femmes. Ce n’est pas facile, mais ça c’est des choses que je ne pourrai pas comprendre ».

Il est possible d’émettre un rapprochement entre le mode d’entrée dans le monde du surf de ces femmes et leur milieu social. De fait, Marwa et Nora sont toutes deux issues d’un milieu populaire et ont grandi dans un petit village alors qu’Inès et Asma viennent d’un milieu aisé et d’une grande ville. D’après Le Pape, dans les milieux populaires, « un attachement à la division traditionnelle des rôles masculins et féminins » se maintient (2009 : 88). Le rôle qui a été longtemps assimilé par la femme au Maroc est celui de femme au foyer, soumise à des restrictions. Le Pape ajoute que les valeurs éducatives des parents reflètent la représentation qu’ils ont de la société. Par conséquent, nous allons retrouver cette même représentation chez l’enfant. Le mode de penser et la vision de la femme dans la société diffèrent selon la classe sociale et les femmes adoptent des comportements distincts pour parvenir à leurs fins, ici, pratiquer le surf. Marwa a adopté des comportements considérés comme typiques d’un « jeu masculin » (Lindemann, 2010) avec un besoin de « surjouer » une masculinité pour gagner le respect de ses pairs. Ici, on assiste au « procès de virilisation » (Louveau, 2004 : 178) de la jeune femme qui transgresse la structure sexuée du surf. À l’inverse, Asma semble jouer le jeu de la féminité et est confrontée à une « double contrainte » : mettre en scène une féminité sportive tout en maîtrisant une gestuelle sportive « masculine » pour ne pas perdre sa légitimité dans un monde masculin et ainsi éviter la stigmatisation (Bohuon, 2008 ; Joncheray et al., 2014 ; Laberge, 1994 ; Mennesson, 2005).

Quelle que soit la tactique adoptée par ces femmes ou leur milieu social, font-elles toutes face à d’autres obstacles pour parvenir à assumer leur choix d’être surfeuse ?

« Les gens parlent trop » : le poids du jugement

« Les femmes quittent plus tôt, soit le surf soit le skate, elles s’entraînent, progressent et, arrivées à un certain niveau, elles arrêtent… quand les jugements se multiplient, soit de l’extérieur, soit de la famille, elles arrêtent ».

Skateuse de Taghazout (carnet, 2019)

Toutes les femmes marocaines qui surfent s’exposent au regard des gens, au risque de subir leurs jugements. On parle de désignation qui, d’après Heinich, « est la façon dont les autres vous perçoivent et vous jugent » (Seyeux, 2008 : 3). Quel que soit le milieu social, aucune femme ne semble y échapper et ces jugements ne se cantonnent pas qu’à leur pratique sportive. Mon carnet de bord est rempli de phrases attestant ce phénomène (carnet, 2019) :

« Tout le monde se connaît à Rabat… » (Asma) ; « tu vois elle vient d’un petit village, les gens parlent beaucoup « ah ces parents la laissent aller surfer ». Il y a beaucoup le regard des autres ».

(Inès à propos de Marwa)

Ici, le jugement n’est pas seulement porté sur la surfeuse en question, sa famille aussi. À cause des autres, la vision de Marwa sur la position de la femme dans la société a été remise en question au point d’hésiter à abandonner sa passion, mais « maintenant elle est bien, elle n’écoute pas les gens qui parlent, n’arrête pas pour eux » (Inès à propos de Marwa). De plus, n’oublions pas que toutes les informations obtenues sur cette jeune femme ne viennent pas directement d’elle-même mais d’autres personnes qui la connaissent personnellement ou non. Comme me l’a rappelé Malik :

« Ici au Maroc c’est compliqué de surfer. C’est vu comme un loisir, une mauvaise habitude », ce qui laisse place aux jugements des autres. Face à cela, Asma conseille de passer au-dessus « je surfe puis je m’en fous de l’opinion des autres ».

On peut alors se questionner sur l’influence de la famille dans la relation de ces femmes avec le surf. Pour Marwa, la famille est un pilier sur lequel elle se repose « heureusement ses parents étaient là, l’encouragent pour surfer » (Inès à propos de Marwa), sans qui elle aurait surement abandonné. Asma montre aussi l’importance du rôle de la famille dans le développement d’une personne au cours de son enfance

« J’ai eu cette chance-là d’avoir des parents qui ont bougé pour que je touche à tout quoi […] Ils étaient derrière moi à m’encourager ».

Quant à Inès, c’est essentiellement auprès de son mari qu’elle trouve du soutien.

J’ai rarement vu un visage aussi expressif et heureux quand j’ai appris que son mari était également surfeur et qu’ils partagent leur passion « depuis qu’on est ensemble, on va presque tout le temps surfer ensemble. Même, on voyage ensemble pour surfer ».

 (Inès)

Toutefois, le soutien familial n’est pas toujours présent. À l’inverse, la famille peut se montrer très dure. Si elle ne perçoit pas d’un bon œil la pratique du surf, la famille fait tout pour que la jeune femme marocaine arrête de surfer :

« J’en connais des histoires de certaines filles pour qui ça été super dur. Leurs parents ils adhéraient pas du tout, ils leur interdisaient d’aller surfer. Je connais une fille, qui pour s’en sortir, a dû se marier à un surfeur pour continuer à surfer parce que ses parents n’étaient pas du tout d’accord… enfin elle est issue d’un milieu on va dire pas très ouvert d’esprit. Et donc elle faisait les choses en cachette. Elle laissait sa planche dans le magasin près de chez elle, et pour pas montrer ses cheveux mouillés, elle devait les sécher… elle s’est fait battre quand elle est rentrée avec les cheveux mouillés (soupir)… donc c’est sûr, le milieu joue un rôle. Pour elle ça été plus difficile d’imposer sa passion que pour moi ».

(Asma)

Même si cette femme n’avait pas le soutien de ses proches, elle était prête à aller à leur encontre, consciente des risques encourus. Elle s’est détachée de sa famille et a épousé un surfeur pour s’assurer de poursuivre la pratique du surf.

Surfer, une expérience dans un espace de pratique renforcée par des inégalités

La règle du localisme et ses limites

« Février : la plage est pleine, l’océan est rempli de surfeurs étrangers et marocains. Ce n’est plus le bruit des vagues que j’entends au loin, mais bien celui de cris et d’insultes. À la fin de leur session, planche sous le bras et visage fermé, plusieurs surfeurs étrangers en ont payé les frais et n’ont pu profiter de ces vagues. Le même sort est réservé à ceux qui sont là pourtant depuis des mois. Javi et Inigo (surfeurs espagnols) m’ont confié devoir se faire petits dans l’eau et attendre que le local leur donne « sa vague ». Des tensions apparaissent, car ils estiment avoir suffisamment respecté la « règle du local », sachant qu’ils ont le même niveau que leurs rivaux ».

 (Carnet, 2019)

Tous les pratiquants de surf partagent un objectif commun, prendre la vague, et ce, en présence simultanée des autres surfeurs : « tous au même endroit, au même moment, pour faire la même chose, et plus précisément, pour atteindre le même but » (Bisson, 2015 : 10). La notion de concurrence entre en jeu et le surf est donc à envisager comme un lieu d’affrontements. Toutefois, des « règles coutumières » (Lafargue, 2017 : 52) régulent et hiérarchisent cette compétition informelle, dont une, fondamentale, est à respecter : le localisme. Il s’agit de l’ensemble des « pratiques culturelles variées d’exclusion par lesquelles des surfeurs s’efforcent de contrôler l’accès des spots de surf » (Ibid. : 53), et ce au nom de l’autochtonie (Bisson, 2015). Autrement dit, par la « territorialisation du territoire » (Anderson cité par Lafargue, 2017 : 53), le local se voit offrir la priorité pour prendre la vague, ce qui évince naturellement toute concurrence. Les autres pratiquants n’ont guère le choix de s’y plier, sinon c’est à leur risque et péril.

Toutes les surfeuses marocaines interrogées sont également passées par des épreuves difficiles dans l’eau. Plusieurs fois, des surfeurs ont dit à Marwa (quatre fois championne du Maroc) « casse-toi », « le surf c’est pas fait pour toi », « va aider ta mère à faire le pain ». Les actes agressifs vécus sont intimement reliés au fait d’être une femme marocaine sur une planche, et non à une question de niveau. De même, Inès me raconte une dispute avec un surfeur local :

« Il a pris mon leach[11] […] et il m’a tirée. Je te jure ! Je l’ai engueulé, truc de malade ! Mais ça, ça arrive rarement. Des fois il y a des mecs… (regard désespéré). Mais en fait je lui ai pris sa vague… depuis tout à l’heure il prenait toutes les vagues et j’étais avec une amie qui m’a dit « celui-là vraiment il me fait chier ». Tu vois, je me suis dit « qu’il aille se faire foutre » donc j’ai ramé et lui pour se venger il m’a complètement tirée. Ça m’a juste fait rater ma vague, personne n’a pu la prendre…».

Les surfeurs marocains semblent aussi faire appliquer la règle du localisme à leurs pairs féminins en les rétrogradant de par leur sexe au même niveau que le fait d’être étranger. Cela est sûrement dû au fait qu’aucune Marocaine n’était présente lorsqu’ils ont débuté le surf et pris possession du territoire. Ils les placent ainsi dans une catégorie autre que celle du local, comme nous le font comprendre les expériences de nos sujets. Pour éviter de subir ce genre de pratiques, elles peuvent prendre le statut de l’expert[12], comme ce fut le cas d’Asma, qui a dû prouver son niveau « il y avait des spots qui étaient réservés pour les mecs ; c’était des spots difficiles […] et j’étais la seule à y aller » ; ce qui lui a valu un surnom digne d’une experte ! Ou celui de tricheur, c’est-à-dire celui qui contourne, en ne respectant pas la règle de priorité. C’est l’exemple d’Inès qui s’est vue tirer son leach du fait d’avoir enfreint la règle de priorité alors qu’elle souhaitait rééquilibrer l’accès aux vagues. Les surfeurs s’attribuent des « droits inaliénables » en considérant ces femmes comme « indignes de partager leurs vagues » (Booth cité par Lafargue, 2017 : 53).

« Personnellement je n’ai jamais eu de souci dans l’eau, bien au contraire. Souvent, des surfeurs locaux me faisaient un signe pour les rejoindre et surfer avec eux. C’est comme si j’appartenais à leur groupe, bien loin des conflits, ils se montraient bienveillants et patients avec moi malgré la différence de niveau. Pourtant moi aussi je suis une femme, pourquoi ne pas me faire subir le même sort ? Est-ce du fait que je sois étrangère ? En discutant avec Malik, je me suis rendue compte que mon statut d’étrangère m’a permis d’avoir un autre respect de la part des surfeurs ».

 (Carnet, 2019)

Ainsi,selon Hargreaves, « il y a des différences plus importantes entre les femmes de groupes sociaux et culturels différents qu’entre des hommes et des femmes du même groupe social ou culturel » (1992 : 169-170). Dans l’échange avec Malik, une citation prend ici tout son sens :

« Les surfeurs doivent s’habituer au fait que ce sont des surfeuses marocaines et non pas des touristes ».

Par cela, on entend que les surfeurs marocains retirent le statut de local à leurs pairs féminins qui, pourtant y auraient tout aussi droit. Privées de leur véritable statut dans l’eau et pour accéder aux vagues, ces Marocaines doivent ruser. La ruse, contrairement à la stratégie, est un trait stéréotypique essentialisant associé traditionnellement au féminin (Héritier, 1996). Toutefois, ce phénomène tend à changer comme l’a mentionné Inès :

« Une fois qu’ils connaissent la personne, la fille, en tout cas pour les Marocaines je pense, ils deviennent plus cools».

Les surfeurs marocains commencent à accepter la présence de surfeuses locales et leur laisser des vagues.

L’usage du surf, se construire à travers un sport masculin

Dès leurs premières années de pratique, Marwa et Asma se sont lancées dans la compétition et ont très vite fait partie du podium et sont fières de le faire savoir. Toutes deux ont remporté au moins une fois le titre de championne du Maroc en surf. Malik me précise qu’au Maroc « c’est très difficile de pouvoir vivre du surf ». Consciente qu’il est difficile d’y faire carrière, Asma a préféré donner priorité à ses études et « continue de surfer pour le plaisir, c’est ce qui compte, c’est la passion ». Quant à Marwa, reconnue comme femme athlète à l’international, elle dirige sa propre activité de coaching de surf. Elle a pour ambition de faire changer les choses dans son pays, en initiant et enseignant le surf aux femmes locales. Inès a également essayé la compétition, mais contrairement aux deux autres femmes, elle a vite abandonné car elle ne voit pas les choses de la même façon :

« J’ai pas trouvé ça fun, ce côté plus boring […] Non c’est pas mon truc vraiment. Je le fais pour le plaisir ».

Contrairement à tous les autres cas, Nora passe plus de temps hors de l’eau à regarder et commenter les vagues, qu’à surfer.

« Nombreuses sont les fois où je l’ai entendue me dire « aujourd’hui les vagues sont parfaites, je vais aller surfer » alors qu’elle restait au café à fumer ou dormir en plein après-midi pour récupérer de la soirée de la veille. Pourtant, elle persiste à dire avec fierté « je suis la seule fille du village qui surfe »… Puis-je réellement la considérer comme une surfeuse ? ».

 (Carnet, 2019)

Sayeux s’est questionnée sur « qu’est-ce qu’être surfeur »[13] et nous montre que « cette identité, surfeur, n’a de sens qu’à l’intérieur de cette communauté. C’est le regard d’un surfeur sur un autre surfeur qui donne cette reconnaissance de surfeur » (2010 : 21). Comme vu précédemment, Nora est acceptée au sein de la communauté des surfeurs de son village.

« Le surf n’est que prétexte pour nos échanges, elle me parle plus de faire la fête, boire de l’alcool avec des surfeurs du coin, que de vagues qu’elle aurait pu partager avec eux. Elle en vient même à ne plus aller en cours et fuguer du domicile parental. Elle est en quête de liberté, mot que j’ai entendu plus d’une fois par jour de sa bouche. Elle aime se démarquer et être remarquée. Son corps en est le reflet : son chignon met en avant son crâne rasé derrière la tête, ses tatouages sur les bras. Elle brave les interdits en allant surfer et en testant des pratiques peu acceptées par la société, qu’elle qualifie de « bête » ».

(Carnet, 2019)

À travers mes observations, on peut constater qu’elle vit la surf culture (Lefebvre et Roult, 2009). Au regard de la société marocaine, la jeune femme peut être considérée comme un « outsider », celui qui transgresse les normes d’un groupe. Toutefois, Becker ajoute un autre sens à ce terme : « le transgresseur peut estimer que ses juges sont étrangers à son univers » (1985 : 25). C’est la raison pour laquelle la jeune femme s’est détachée de sa famille pour en rejoindre une autre : la communauté des surfeurs, qui se rapproche des normes de son univers. On parle alors de déviance positive.

Être surfeuse marocaine dans une société traditionnelle, un véritable défi social

Comme nous l’avons vu, ces femmes se heurtent à des difficultés dans leur pratique du surf. Être surfeuse marocaine se traduit par un positionnement liminal entre deux « mondes » qui semblent antagonistes : la culture du surf et la culture traditionnelle marocaine. Tout semble opposer ces deux espaces culturels : l’un, hédoniste reposant sur un « style de vie qui prône la liberté, l’esprit de la glisse, l’individualité et le fun » (Lefebvre et Roult, 2009 : 55) et l’autre, conservateur avec des traditions religieuses qui limitent la pratique sportive féminine[14]. Rigar et al. apportent une précision : « sur le plan social, conjuguée souvent à des considérations religieuses, et compte tenu de la mise en jeu du corps, la participation sportive féminine pose des problèmes spécifiques au Maroc en raison notamment des significations culturelles et religieuses associées au corps féminin » (2010 : 55). Or, lorsque l’on s’intéresse à la place de la femme, ces deux milieux partagent des similitudes qui les relient fortement : le surf est un lieu de domination symbolique et sexuée (Sayeux, 2008), tout comme la société marocaine qui est patriarcale[15]. Au Maroc, le surf est le reflet d’une « valence différentielle des sexes » (Maillot, 2011 : 522), où le féminin est toujours minoré par rapport au masculin. L’effectif réduit de surfeuses marocaines, selon Asma, serait dû à leurs croyances :

« Je trouve que beaucoup de gens, même toute la société (rires), je ne généralise pas hein, ils ont des fausses croyances ».

D’après Naamane-Guessous, « un certain nombre de distorsions sont venues écarter les pratiques sociales de ce que prescrit la religion, et cette distance fonde ce que l’on peut appeler la tradition » (1987 : 8). Les représentations traditionnelles marocaines ont une influence directe sur les attentes sociales relatives et propres à chaque genre, se basant sur les processus de différenciation et de hiérarchisation sexuée (Bourdieu, 1980). Ces traditions, qui forment la base de la culture marocaine, se transmettent du groupe à l’enfant ; on parle d’enculturation. En associant ce concept aux processus de Bourdieu, parler « d’enculturation genrée » semble prendre tout son sens ici. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les stigmatisations quant à l’accès au surf subies par les femmes et épargnant les hommes. À travers les propos d’Asma, nous pouvons constater qu’elle s’extrait du groupe, ce qui souligne que ses parents ne lui ont pas transmis des croyances identiques et que ce processus de transmission est bel et bien variable d’une famille à l’autre. On parle d’enculturation normative, c’est-à-dire celle propre à chaque groupe qui s’adapte à ses normes et valeurs, à l’inverse de l’enculturation politique qui se fait à l’échelle de la société (Gobert, 2007). Dans la perspective de mon travail d’enquête, la question est donc de comprendre comment certaines Marocaines sont devenues surfeuses dans un espace fait de contraintes. Quelles stratégies ces femmes adoptent-elles pour dépasser l’enculturation genrée de leur pays en vue de pratiquer le surf ? Ce sport peut-il être un moyen propice à leur émancipation ?

Le surf comme levier d’émancipation

« Avant [le surf] c’était perçu comme un sport de mecs, genre c’est agressif, c’est pas sexy… enfin c’est sexy quand t’as le bikini, mais au Maroc tu peux pas trop te mettre en bikini sinon tout le peak va te suivre (rires)… Bon à Taghazout ça va mieux vu qu’il y a des étrangers (rires), ça passe, mais à Rabat tout le monde se connait… (pause). C’est pas de coutume. Mais après moi j’ai changé au fur et à mesure, mes idées ont changé donc là je me mets en bikini je m’en fous ».

Asma (carnet, 2019)

Certaines femmes parviennent à dépasser cette enculturation genrée ancrée dans la société marocaine en devenant actrice de leurs propres décisions et ainsi « l’individu peut s’opposer à cette enculturation ou la contourner » (Corneloup, 2004 : 253) comme l’a fait Asma.

D’autres informations essentielles sont véhiculées dans ces propos. Il est reproché aux femmes de pratiquer un sport jugé de « pas sexy », mais le Maroc permet-il réellement à la femme de l’être dans l’espace public ? Le corps féminin fait l’objet de nombreux interdits au Maroc et il est recommandé de « dissimuler le corps et toutes les parties du corps qui peuvent éveiller le désir masculin » (Samaali, 2004 : 118). Pratiquer un sport comme le surf pourrait correspondre pour une femme marocaine de « franchir des normes sociales et morales profondément ancrées » et elle prend ainsi le risque d’être qualifiée de « déviante » (Guibert et Arab 2016 : 182 et 190). Asma souligne le fait qu’au Maroc la nudité, l’exposition du corps reste compliquée, voire un sujet tabou dans l’espace public. La mise en scène du corps organise des conduites qui nous paraissent naturelles mais, en réalité, sont socialement et culturellement déterminées (Elias, 1993). De plus, en surfant en bikini et en passant outre le regard des autres, on peut voir dans le comportement d’Asma, un acte de nature revendicative. En effet, le fait de (re)prendre possession publiquement de son corps est équivalent à une forme de contestation des normes établies et de bouleversement des hiérarchies (Tlili, 2002).

Le tourisme joue un rôle important et impactant. En effet, la rencontre entre deux cultures n’est pas sans répercussion. De nombreuses études démontrent que le tourisme engendre des changements culturels dans les sociétés d’accueil. On parle d’acculturation, défini par « l’ensemble des phénomènes résultant du contact direct et continu entre des groupes d’individus de cultures différentes, avec des changements subséquents dans les types de cultures originales de l’un ou des deux groupes » (Redfield et al., cités par Mokounkolo et Pasquier, 2008 : 57). Ce processus acculturatif se résume dans le choix entre, d’une part maintenir son héritage culturel et son identité, et d’autre part avec les échanges, partager, voire assimiler la culture de l’autre. Cela a un impact direct sur la façon de voir les choses et de se comporter chez l’individu, comme l’atteste Asma.

Quant à Marwa, monitrice de surf et athlète professionnelle, elle a fait du surf son milieu de vie professionnelle. Cela sous-entend que, pour son cas, le surf ne peut plus être considéré comme un loisir ni jugé comme une mauvaise habitude comme nous l’avait fait comprendre Malik. Autrement dit, le surf n’est pas qu’un sport et peut être un vecteur dans son émancipation en tant que femme dans la société marocaine. Effectivement, nous pouvons supposer que si elle n’avait pas fait du surf son métier, il est possible qu’elle aurait suivi le chemin de ses amies d’enfance du village, c’est-à-dire mariées et mères au foyer (carnet, 2019).

Ces femmes entrent alors dans la seconde phase du processus d’enculturation genrée : « celle de l’adulte qui s’apparente à un reconditionnement. « Dans ses aspects ultérieurs, lorsque l’enculturation opère au niveau de la conscience, elle ouvre la porte au changement, en permettant l’examen de possibilités diverses et le reconditionnement à de nouveaux modes de pensée et de conduites » (Herskovits, 1967 : 183) » (Gobert, 2007 : 5). Cela leur permet de dépasser les restrictions subies par les femmes au Maroc et de pouvoir s’engager dans la pratique du surf.

Une domination masculine persistante

20 mars (carnet, 2019) : Nora m’affirme avoir eu une révélation et voir désormais le monde différemment suite à une discussion la veille avec des surfeurs du village : « Dieu a dit que la femme doit être à la maison, s’occuper de son mari. Elle peut sortir pour étudier et après doit rentrer ».

(Carnet, 2019)

« Cette dernière [l’enculturation] se situerait donc à un niveau macro où le jeune individu construirait son bagage ontologique par fréquentation de référents sociaux, pour intégrer sa culture et s’y frayer un chemin » (Gobert, 2007 : 5). Comme nous l’avons vu, Nora a fait de ces surfeurs sa nouvelle famille. Cela signifie qu’ils deviennent alors ses nouveaux référents sociaux. C’est donc eux qui ont la possibilité d’appliquer le processus de transmission. En s’appuyant sur leur interprétation religieuse, ces hommes rétablissent une domination masculine en parvenant à lui faire intérioriser des restrictions traditionnelles quant à la place et au rôle de la femme dans la société. Comme l’étude menée par Kelly et al. (2005) sur les skateuses, Nora semble intérioriser les normes « masculines » de la culture marocaine, en collusion avec ces normes plutôt que de leur résister, de peur d’être expulsée de la sous-culture du surf.

Maintenant, intéressons-nous au cas de la femme mentionnée par Asma qui s’est mariée à un surfeur pour continuer sa passion. Au premier abord, nous pouvons voir les choses sous un angle positif du fait qu’elle puisse aujourd’hui surfer. Or, ne nous en arrêtons pas à cela. Un élément plus profond doit ressortir : a-t-elle réellement dépassé l’enculturation genrée à laquelle elle était soumise ? : « l’enculturation atteste […] de la capacité d’adaptation de l’adulte aux vicissitudes des parcours de vie en société » (Gobert, 2007 : 5). De ce fait, pour pouvoir affronter les vagues, cette femme marocaine est passée de la domination d’un homme à un autre. Sa pratique reste ainsi dépendante d’un accord masculin et ce n’est pas en totale liberté qu’elle pratique le surf.

À ce stade de ma réflexion, une phrase que m’avait dite Malik me revient :

« Il y a des femmes qui s’émancipent de plus en plus, tu sais avec la démocratisation. Même maintenant il y a des femmes qui sont plus émancipées que des hommes (rires). Mais la société a un œil dessus et ça finit par leur retomber dessus ».

Zone de Texte: Capture d’écran d’une des stories Instagram postées par Marwa lorsque la Maison des Jeux et des Sports (MDJS) du Maroc a utilisé la Marwa dans l’une de ses campagnes publicitaires et où la surfeuse est représentée sur sa planche affrontant une vague plus grande qu’elle.Il est difficile de libérer la femme de cette oppression sociale et culturelle si l’homme n’est lui-même pas entièrement libre. Quel que soit le genre, tous deux sont confrontés et soumis à un poids culturel. Cette idée est défendue par Chebel qui dit : « la modernité démocratique n’est pas concevable sans émancipation de la femme ; et cette dernière ne peut advenir en l’absence d’autonomie du sujet masculin lui-même » (2002 : 63). Cependant, une prise de conscience collective est en œuvre quant à la place de la femme marocaine dans la société. Plusieurs actions ont été menées dans ce sens comme la création de la première association sportive féminine dédiée au surf, l’Union Marocaine Féminine de Surf et Bodyboard (UMFSB), affiliée à la fédération Royale Marocaine de Surf ou encore la diffusion d’un reportage sur le parcours de Marwa sur une chaîne nationale[16]. Ce reportage peut être le symbole d’un « mouvement propice à l’émancipation de la femme » (Maillot, 2011 : 528). Ainsi, une stratégie reste à se peaufiner pour évoluer collectivement et permettre aux femmes marocaines d’atteindre des conditions d’accès et de pratique du surf similaires à celles appliquées aux hommes. 2019 semble être une année charnière pour le surf féminin au Maroc, pouvant avoir de véritables répercussions sur les années à venir.

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[1] Cet article est issu de mon mémoire réalisé en Master 1 Management du Tourisme Sportif.

[2] Référence à la masculinité hémogénique définie par Connell comme « la configuration des pratiques de genre visant à assurer la perpétuation et la domination des hommes sur les femmes » (1995 : 11).  Les pratiques de genre ont lieu dans des contextes historico-culturels différents et sont performées par des agents de races, classes et générations différentes (1985).

[3] Ces enquêtes de terrain ont été menées dans le cadre d’un stage universitaire effectué dans un camp de surf.

[4] Je suis de nationalité franco-portugaise avec une « culture occidentale ».

[5] Le sexe du chercheur est une variable pouvant orienter le déroulement d’un entretien (Ghiglione et Matalon, 1998).

[6] J’avais toujours sur moi un bout de papier, un stylo et mon dictaphone en poche, prêt à être activé à tout moment et en toute discrétion, pour éviter de laisser le temps s’écouler et rester le plus fidèle à la scène observée. Je retranscrivais le soir même l’ensemble de mes notes dans mon carnet de bord.

[7] Personnes pratiquant des sports de glisse ; dans le cas de mon enquête, il s’agissait de skateurs et surfeurs.

[8] Les noms des personnes ont été modifiés pour des raisons d’anonymat.

[9] Référence au « processus d’apprentissage par observation » (Bandura, 1986).

[10] Peak : point le plus élevé d’une vague ; trouver le peak est la clé pour lire et prévoir comment une vague va se casser. Les surfeurs se regroupent tous à cet endroit.

[11] Leach : cordon utilisé pour relier le pratiquant à sa planche.

[12] Tout comme le démontre Moraldo dans son étude, « il semblerait que les femmes alpinistes, contrairement aux hommes, doivent justifier d’un véritable statut d’exception sportive » (2013 : 6). Ou encore l’étude de Richard et Dugas qui montre comment le niveau sportif peut « compenser » le fait d’être une femme (2012).

[13] Raspaud (2010 : 93) et Sayeux (2008 ; 2010).

[14] Guibert et Arab, 2016 : 185.

[15] Au Maroc, « les modes éducatifs des familles s’organisent majoritairement selon le principe de la séparation des sexes et du contrôle des filles » (Guibert et Arab, 2016 : 178).

[16] Marwa raconte son combat pour parvenir à se frayer une place dans le surf. Elle mentionne notamment les actes sexistes, liés au rôle de la femme dans la société marocaine, qu’elle a subi. L’enculturation genrée du pays est mise au grand jour. Cette diffusion peut attester du soutien du Gouvernement marocain et peut permettre de changer les mentalités.