Esport : Une opportunité de développement dans le secteur du tourisme par le sport-spectacle

Le 21 janvier 2023, l’éditeur de jeu-vidéo Riot Games annonce que la finale de la saison 2023 de la League of Legends EMEA Championship (LEC) se déroulera dans la ville de Montpellier à l’Aréna Sud de France, le 10 septembre devant plus de 14800 spectateurs. La capitale de l’Hérault sera donc la première ville de province française à accueillir un événement majeur du jeu porte étendard de l’esport mondial.

L’organisation France Esport[1] publie chaque année un baromètre sur l’esport en France. Selon l’édition 2022, basée sur 7071 internautes de 15 ans et plus, l’esport compte 10,8 millions de consommateurs ou pratiquants, représentant 22 % des internautes. Plus de la moitié sont des consommateurs exclusifs (12 % regardent des compétitions sans pratiquer), tandis que les 10 % restants se divisent entre pratiquants exclusifs et ceux à la fois pratiquants et consommateurs.

Le Pipame[2] révèle que l’esport en France a généré 50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, plaçant le pays en deuxième position en Europe. Comparé au volley-ball, un sport traditionnel en vogue, l’esport affiche des revenus plus élevés. Les investissements dans l’esport ont augmenté de 24 millions d’euros de 2017 à 2019, confirmant son intérêt économique croissant. Le Pipame souligne également les atouts favorables au développement futur de l’esport, tandis qu’une hausse de 43 % de l’intérêt du public en un an met en évidence son impact touristique significatif. Ces données soulignent l’émergence de l’esport comme un secteur économique majeur en France.

Parlebas (1999) évoque la « sportification » lorsque le jeu se transforme en sport, défini comme un ensemble codifié de situations motrices institutionnalisées. Les compétitions esportives, érigées en ligues par les éditeurs de jeux, reflètent intrinsèquement ce processus de « sportivisation » inscrit dans le terme « esport ». L’esport, bien que numérique, peut donc être considéré comme une pratique sportive pouvant rentrer dans un processus de tourisme sportif. En se basant sur les définitions de Gibson (1998) et Pigeassou (2004), Lapeyronie (2009) indique que « Le concept de tourisme sportif est analysé différemment. Il est en effet polysémique dans la mesure où il peut s’entendre comme le fait de se déplacer pour pratiquer un sport, se déplacer pour un spectacle sportif ou même pratiquer un sport sur son lieu de villégiature »

L’évolution de l’esport en tant qu’écosystème d’affaire et phénomène sociétal en lien avec ses consommateurs nous permet donc de le situer dans le contexte du tourisme sportif par le biais du spectacle sportif. 

Un écosystème d’affaires tourné autour de spectacles sportifs pour un public « client »

Structuration de l’écosystème

Moore (1996) définit l’écosystème d’affaires comme une communauté économique où les interactions entre les entreprises et les individus/organismes du monde des affaires créent de la valeur pour leurs clients qui vont eux-mêmes être acteurs de l’écosystème. Les entreprises centrales jouent un rôle de leader en partageant leur vision pour rassembler les parties prenantes et favoriser les investissements et les rôles d’appui mutuels.

Trois niveaux d’interactions ont pu être identifiés par Moore (1996) et adaptés pour l’écosystème de l’esport par Besombes (2019). Le « cœur de métier » comprenant les fournisseurs directs, les canaux de distribution et les compétences motrices qui, dans l’esport, représentent le jeu vidéo compétitif, les ligues et tournois ainsi que les joueurs professionnels. Les « entreprises élargies » comprenant les fournisseurs de produits et services et les clients ici l’éditeur du jeu, les médias diffuseurs, les clubs esportifs, les investisseurs ou encore les fans/spectateurs. Et « l’écosystème », précisé par Goethals (2020, p.13), englobant toutes les parties prenantes indirectes tels que les plateformes de streaming, les agents de joueurs, les infrastructures accueillant les tournois/ligues, etc.

L’écosystème de l’esport, caractérisé par la perméabilité de ses acteurs, accueille des sponsors hors du domaine du jeu vidéo, tels qu’Aldi, Michelin ou Fitness Park. D’après Besombes (2019), le public/fan d’esport occupe une position clé en interagissant avec l’ensemble des parties prenantes de cet écosystème.

L’esport se tourne donc vers l’organisation de spectacles sportifs, alignant ses pratiques sur le « sport business » selon Maltese et al. (2016), pour répondre aux enjeux liés à l’importance du public.

Identification du publique comme « client »

Lors d’un spectacle esportif, l’expérience du spectateur est au centre des préoccupations de l’écosystème. Selon Theodorakis (2014), les principaux éléments de l’expérience client dans le contexte de la vente sont : l’environnement social, l’interface de service, l’ambiance, la présentation du produit ou du service, le prix perçu comme juste, l’expérience du client à travers différents canaux de consommation, et l’image de marque qui concerne l’interaction entre la perception de marque et le client lors de la vente.

Glebova & Desfontaine (2020) précisent cette étude de la réussite de l’expérience client dans le cadre des spectacles sportifs via les déterminants d’éléments fonctionnels, d’éléments de résultats et d’éléments sociaux. Le spectacle sportif est ainsi une expérience qui doit être pensée pour satisfaire les besoins et les attentes du spectateur. Selon l’étude de Theodorakis (2014), il faut donc se rapprocher le plus possible d’une collaboration avec les spectateurs dans l’organisation du spectacle pour que l’expérience qu’ils vivent soit satisfaisante. Glebova & Desfontaine (2020) utilisent l’étude de Biscaia et al. (2018) sur le sentiment d’appartenance des supporters pour expliquer que « des propriétés psychométriques comme la “légitimité interne” sont significativement liées aux intentions d’assister à plus de matchs et d’acheter des produits de la marque ». Les acteurs de l’écosystème esportif ont donc tout intérêt à placer les spectateurs en tant que principaux artisans de l’expérience pour que cela entraîne des avantages économiques conséquents avant et après celle-ci.

La technologie renforce le sentiment d’appartenance en facilitant l’interaction entre spectateurs et joueurs professionnels, ainsi qu’entre les membres du public. Glebova & Desfontaine (2020) soulignent l’impact des sites de streaming et des réseaux sociaux, offrant des moyens alternatifs pour vivre le spectacle, suivre, et discuter des événements sportifs tout en renforçant cette connexion émotionnelle. Ces deux outils sont fortement utilisés par la communauté esportive. Cela va de pair avec ce public faisant en majorité partie de la « Génération Z »[3].

L’esport étant la discipline sportive pionnière dans l’association du sport et de la technologie
dans les spectacles sportifs, elle en devient une opportunité de développement économique et
sociétal importante. Cet article va donc expliquer en quoi la popularisation de l’esport illustre une nouvelle approche du sport spectacle se concentrant sur l’expérience de clients faisant partie d’une génération digitalisée.

Méthodologie

L’étude se base sur des données qualitatives. Dans un premier temps trois entretiens semi-directifs d’explicitation dont un en présentiel et deux en visioconférence d’une durée allant d’une quarantaine de minutes à une heure et quart ont été effectués.

Le but des entretiens étant de discuter des expériences des enquêtés en tant que supporters esportifs. Deux entretiens ont donc été effectués avec des supporters esportifs, un étant acteur du système depuis plusieurs années (Orens, ultra[4] de Solary, équipe esport française créée en 2017) et un s’étant introduit depuis quelques mois (Matthieu, ultra de la Karmine Corp, équipe esport française créée en 2020). L’entretien avec le 3e répondant (Thomas, président des Royals 212, l’association des supporters de Solary) tombait sous le sens puisque celui-ci était à mi-chemin entre un supporter et un organisateur par sa fonction.

Ces entretiens ont été menés grâce à une grille d’entretien abordant plusieurs thématiques telles que : le statut de l’enquêté, sa compréhension de l’écosystème de l’esport, son expérience de fan d’esport ou encore sa vision de l’esport en tant que spectacle sportif touristique. Les thèmes se sont néanmoins précisés au fur et à mesure. Des thèmes plus généraux comme l’esport et les événements esportifs ont remplacé certains thèmes trop précis et difficilement abordables dans la discussion comme la place des jeux vidéo compétitifs dans la vie de l’enquêté ou encore le fonctionnement de l’écosystème esportif. Un dernier thème a été ajouté à la grille lors du dernier entretien : la fonction de président d’association de supporters esportifs, thème faisant directement référence au profil de l’enquêté.

L’étude qualitative se poursuit par une observation participante complète par opportunité[5] ayant pour but de vivre une expérience en tant que supporter pendant un événement esportif pour voir les comportements des individus présents ainsi que les services proposés par les organisateurs du spectacle. Celle-ci a été effectuée lors d’une retransmission d’un match de coupe d’Europe de la Karmine Corp[6] sur le jeu League of Legends organisé par l’association de supporters du club, Le Blue Wall. Une grille d’observation a été établie en amont de l’observation pour cibler les éléments à observer et qui serviront à répondre à la problématique.

Figure 1 : Grille d’observation en amont pour la retransmission d’un match de coup d’Eurpope de League of Legend de la Karmine Corp

Les outils de l’écosystème esport pour se populariser et développer le sport spectacle

Une reproduction des codes du sport spectacle traditionnel

Lors des entretiens et de l’observation, on a pu constater des comparaisons avec le sport spectacle traditionnel qui revenaient très souvent. Les codes du secteur sont repris par les acteurs de l’esport. Si on lit les études de Maltese et al. (2016) en la matière, les sports spectacles doivent avoir une dimension émotionnelle et passionnelle qui rend les organisations productrices de spectacles sportifs extrêmement expressives et médiatiques. Cette spécificité peut se traduire par la présence de la notion de supporterisme dans les spectacles sportifs. L’esport a donc voulu intégrer cette notion à son écosystème depuis la fin de l’épidémie de Covid-19. Cela passe dans un premier temps par des codes visuels et auditifs faisant référence au club que les personnes supportent. Lors de l’observation, ces codes étaient grandement visibles : des maillots, des écharpes, des chants pour le club ou encore la présence d’une mascotte. Toutes ces caractéristiques retrouvées lors de spectacles sportifs avec des supporters venant soutenir leur équipe se retrouvent dans les spectacles esportifs comme a pu le mentionner Thomas avec « les zones d’ultras », « les chants » et « des tifos » qui viennent « tout droit du monde du football professionnel » des clubs de supporters ont d’ailleurs vu le jour par la suite à l’instar des Royals212. Ses clubs de supporters ont leur propre identité visuelle reprenant les couleurs du club soutenu comme observé lors de la retransmission du match de la Karmine Korp et son association de supporter Le Blue Wall, avec des drapeaux et banderoles comportant le nom du groupe. Jumelé à l’utilisation répétée des réseaux sociaux comme Twitter, Discord ou Twitch (grâce au chat[7]) par les communautés du monde de l’esport, le supporterisme amène justement ce côté très expressif et médiatique des spectacles esportifs. Le caractère périssable qui complexifie la gestion d’un spectacle sportif est une spécificité qui essaye d’être palliée par les associations de supporters en relation avec les clubs esportifs. En effet, le gros plus de l’esport est son appétence à rester un spectacle même à distance. Le format de « Viewving Party » a donc été créé pour pallier la rareté et l’espacement des événements physiques type « show » qui sont de plus difficile à organiser pour des raisons de temps, de disponibilité… Les Viewving Party sont donc des événements « hybride[s] » qui sont « à mi-chemin entre le stade et le bar ». Le match ne se passe pas en présentiel, mais le public peut se regrouper dans un lieu pour supporter son équipe, avec des animations, de la restauration et des rencontres avec des personnalités publiques comme vue lors de l’observation à Paris.

En intégrant ses propres codes tout en respectant les spécificités des spectacles sportifs, l’esport va donc répondre aux attentes de son public, favorisant ainsi son développement financier par l’introduction de nouveaux moyens de revenus. La réadoption de codes plus traditionnels permet également au secteur de toucher un public familier du sport-spectacle, suscitant l’intérêt de personnes comme Matthieu qui cherchent à découvrir de nouvelles expériences : « l’esport, ce n’est pas forcément le fait que ce soient des jeux vidéo qui m’a le plus attiré, mais c’est plutôt lié à la compétition… Ça m’a tout de suite fait penser au foot… et le fait que ce soit tout nouveau, je me suis dit : “il y a tout à faire, je peux construire l’histoire de mon club en tant que supporter et tout…” et ça, avec mon passé de supporter de Sainté… Bah forcément c’est quelque chose qui a titillé ma curiosité ! ». Cette envie de construire l’histoire d’un nouveau club s’est également ressentie lors de l’observation. Les chants entonnés par tous les spectateurs retraçaient le palmarès de l’équipe supportée (déjà championne d’Europe la saison passée) et utilisait le champ lexical de la guerre, du combat ou de la victoire, les différentes personnes se présentant souvent en stipulant depuis quand elles suivaient le club.

Le développement du sport spectacle par une expérience client numérisée

Les résultats apportés par les différentes méthodes de recueil de données (récits d’expérience vécue et observation participante) ont pu être confrontés aux principes majeurs de l’expérience client exposée par Theodorakis (2014).

Le premier concept est celui de la compréhension de l’environnement social du spectateur. Lors de l’observation, les individus présents étaient âgés en grande majorité entre 18 et 30 ans et faisaient partie d’un petit groupe, accompagné ou encore seul. L’unicité de l’ensemble des spectateurs dans les chants, danses ou encore interactions physiques[8] durant les trois heures de match témoigne de la facilité des groupes à se mélanger et à interagir alors que les individus venant du milieu du gaming sont reconnus pour être timides vis-à-vis de ce type d’interactions. Mais ces personnes font partie d’une ou plusieurs communautés numériques leur permettant d’avoir un environnement social étendu. Communautés regroupant des personnes issues du même milieu social, avec les mêmes centres d’intérêts comme Orens a pu le dire : « genre tout le monde se parle sur Discord en continu ». Les organisateurs d’événements ont donc bien identifié leur public et savent utiliser les bons canaux d’information pour leur offrir une expérience adaptée, nous pouvons prendre l’exemple des « Viewving Party » qui sont un format alliant outils numériques et événement physique.

La présentation du service devant refléter la variété, l’unicité et la qualité est un concept que nous pouvons retrouver dans les spectacles esportifs. Le type de spectacle « show » comme les LFL Days[9] reflète l’unicité par sa rareté dans l’année « il y en a eu le genre 2, des KCX[10] dans l’année ». La variété se retrouve dans les différents jeux mis en avant sur chaque événement. Lors des entretiens nous avons pu parler de 4 jeux différents : Track Mania, League of Legend, Super Smash Bross Ultimate et Rocket League. Les clubs esportifs les plus influents de la scène française sont présents sur ces 4 jeux (Solary et Karmine Korp) reflétant la variété du service qu’ils peuvent offrir à leurs spectateurs : « il y a le choix en fait, tu es libre, tu peux aller n’importe où et il y aura forcément quelque chose à ton goût ».

L’expérience des clients passant par des canaux différents est forcément un concept géré par les spectacles esportifs puisque l’esport est avant tout un spectacle passant par des canaux numériques avec une retransmission sur Twitch, « l’esport ne peut pas vivre sans le streaming ». Mais cette expérience passe aussi aujourd’hui par des événements en présentiel « hybrides » ou exclusifs, événement qui auraient pu être freinés par la pandémie stoppant leur organisation pendant deux ans, mais qui, en fin de compte, a été un levier de développement comme peut l’expliquer Thomas : « ça a augmenté parce que (…) le covid a fait en sorte d’amener une énorme masse de viewvers, etc., et du coup bah effectivement ça a créé l’attente d’un évent en présentiel, et tout évent créé avec aussi peu de places soit-il, a forcément un succès aujourd’hui. ». L’événement dans lequel l’observation a été effectuée fait partie des événements hybrides possibles, celui-ci ne pourrait pas être organiseé sans le support technologique qu’est Twitch.

Glebova & Desfontaine (2020) apportent des éléments supplémentaires à l’étude de
Theodorakis sur l’expérience des spectateurs de spectacle sportifs en les identifiant comme des clients. Leur propos tourne autour des éléments fonctionnels, de résultat et sociaux. En ce qui concerne les éléments fonctionnels (facilité, accès, sécurité, personnel, technologies à disposition), les événements esportifs pêchent un peu. Ils sont pour la plupart difficiles d’accès pour un public n’habitant pas dans de grandes villes, mais cela n’empêche pas un certain investissement financier, personnel et de temps de la part des spectateurs, cela se traduit par la force des éléments sociaux du secteur (ambiance, l’interaction avec les autres spectateurs, l’interaction avec le joueur).

Les éléments sociaux (ambiance, l’interaction avec les autres spectateurs, interaction avec les joueurs) sont le gros point fort de l’esport. Ce phénomène de communauté créée grâce à l’utilisation des outils numériques comme les réseaux sociaux et le streaming fédérés par des personnalités publiques importantes dans l’organisation de spectacles provoquent ce sentiment d’appartenance chez les spectateurs et explique ces “propriétés psychométriques comme la « légitimité interne », significativement liée aux intentions d’assister à plus de matchs et d’acheter des produits de la marque” (Biscia et al., 2018). Ce phénomène ressort dans les discours de participants aux entretiens quand ils mentionnent la volonté des personnes de s’investir financièrement et personnellement dans une participation à un événement esportif en physique comme Matthieu le mentionne pour sa propre personne : « j’aurais mis mes 40 € pour le KCX ». De plus, lors de l’observation, on a constaté que les personnes présentes faisaient toutes partie de la même communauté, utilisaient les réseaux sociaux pour partager et commenter le dérouler de la rencontre ce qui va faciliter l’accès aux spectacles et l’interaction entre les spectateurs comme le stipulentGlebova & Desfontaine (2020) dans leurs travaux.

En résumé, l’esport propose des expériences qualitatives à ses spectateurs en prenant en compte tous les concepts définis ci-dessus. Cela va entrainer un rayonnement positif sur le potentiel touristique des lieux d’accueil comme Thomas peut en parler : « à Nice on était 2 3000 quand tu as 2000 personnes qui déboulent dans la ville pour visiter bah effectivement ça fait un peu de monde » ; « avec Orens on loue un AirBNB juste à côté euuuh… il y a des hôtels qui ne sont vraiment pas loin et quand tu as 20 000 personnes qui sont présentes, il n’y a pas les 20 000 qui viennent de Paris quoi, surtout à la vitesse que les places se sont vendue, il n’y a pas que les Parisiens qui se sont connectés pour acheter les places ». Mais cela va également donner aux individus une envie de reconsommer ce type de service. Lors de l’observation, les organisateurs de la retransmission ont directement ouvert la billetterie pour la prochaine édition se déroulant la semaine d’après. Beaucoup de personnes se sont présentées pour acheter directement leur place et, à titre personnel, j’ai eu envie d’y participer malgré l’éloignement géographique, mais avec le temps, ce genre d’événements se sont multipliés dans toute la France et également à Montpellier.

Conclusion et Opérationnalisation

L’esport est un phénomène s’installant de plus en plus dans la culture populaire à l’instar des autres formes de divertissement. Il est représentatif de la numérisation de la société et surtout des jeunes générations étant nées et éduquées avec ces outils. Cette forme de divertissement est gérée par un écosystème perméable prônant des valeurs d’entraide et de communauté, mais qui n’oublie certainement pas de trouver des moyens de faire du profit. Connaissant leur potentiel et ayant identifié clairement leur cœur de cible, les acteurs de l’esport s’orientent vers une nouvelle forme de développement et de popularisation de leur fonds de commerce, les spectacles esportifs. Des expériences offertes à leurs spectateurs déjà présents en ligne à travers le streaming et les réseaux sociaux qui permet de rassembler les individus et les communautés pour qu’elles se rencontrent après une pandémie ayant stoppé
toute organisation, mais ayant favorisé la popularité de la création de contenus en direct sur Twitch, dont l’esport.

Ce secteur touristique, nouveau pour l’écosystème, obtient un succès instantané, les spectateurs s’organisent en prenant exemple sur le supporterisme des sports traditionnels avec la création de nouvelles structures sous loi 1901. Cela va donc augmenter ce sentiment d’appartenance déjà présent grâce au streaming, favorisant une expérience spectateur unique et qualitative. Mais la demande étant plus forte que l’offre depuis la sortie de l’épidémie du COVID-19, il faudrait multiplier le nombre d’événements physiques et de compétitions en dehors des saisons régulières pour dynamiser le secteur et amener encore plus de public. Malheureusement, ce mode de fonctionnement est fortement dépendant des éditeurs qui ont la main mise sur l’écosystème de leur jeu. Une délocalisation de ces événements hors de la capitale profiterait aux autres collectivités territoriales en amenant une nouvelle population auparavant sédentaire, à consommer avant et après l’événement, à l’instar des finales LEC présentées en début d’article.

Les prémices de ces événements physiques que sont les viewving party alliant rencontre du public et des communautés en présentiel et compétition à distance n’impliquant pas les parties prenantes décideuses des organisations d’événement, elles représentent parfaitement l’esport s’inscrivant comme un para sport reprenant certains codes du sport traditionnel en y ajoutant ses atouts numériques et son communautarisme caractéristique du secteur. Cette forme hybride de spectacle esportif profite aux plus petits acteurs du secteur faisant vivre l’écosystème (les clubs de supporters, le public ou encore les clubs).

Elle leur permet de fonctionner financièrement en ayant un nouveau moyen de revenu, non dépendant des éditeurs et organisateurs des compétitions et ce, à moindre coût. Cela va également permettre à la discipline de se faire connaître du grand public, les événements se déroulant dans des bars non coutumiers de la celle-ci deviennent partenaires réguliers des « Viewving Party » organisées sur plusieurs mois et à une fréquence hebdomadaire, ce qui est un gain financier non négligeable pour eux également.

Cette recherche sur le potentiel touristique des spectacles esportifs se reposant sur des témoignages des acteurs de l’écosystème, il serait pertinent d’élargir le champ de vision sur le sujet. Il serait donc utile de s’intéresser à l’implication des collectivités territoriales et du pouvoir public dans le secteur. L’esport étant en constante évolution, de nouvelles recherches sur le fonctionnement et les sources de revenus des clubs et des ligues esportifs pourraient être également pertinentes pour vérifier si l’écosystème garde le même cap après plusieurs années de sortie de pandémie.

Bibliographie

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[1] Association loi 1901qui a pour objectif de rassembler les acteurs de sport électronique en France, afin de leur offrir une plateforme de collaboration efficace et un canal de communication fédérée. (france-esports.org)

[2] Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques

[3] Génération directement née avec les technologies numériques, elle a réussi à comprendre et à développer les aptitudes liées à celle-ci et s’est éduquée et sociabiliséee en grande partie à travers elles. (Delécluse 2018).

[4] Les Ultras forment une catégorie particulière des supporters assistant aux compétitions sportives, dont le but est de soutenir de manière fanatique son équipe de prédilection.

[5] Etant supporter de la Karmine Korp depuis sa création, j’ai pu profiter de mon statut dans la communauté du club pour effectuer mon observation tout en vivant pour la première fois un événement physique esportif. L’opportunité c’est créé lors d’un voyage à Paris s’étant planifié à la même date que le match de coupe d’Europe.

[6] Equipe esport française fondée en 2020 par Kamel ‘Kameto’ Kebir et Amine ‘Prime’ Mekri.

[7] Une fenêtre de discussions textuelles jumelée à la diffusion en directe de la plateforme Twitch permettant aux spectateurs réagir en temps réel.

[8] J’ai moi-même pris des personnes que je ne connaissais pas dans mes bras à l’annonce de la victoire ou encore en partant de la salle où se déroulait l’événement.

[9] Evénement esportif en physique organisé autour d’une ou plusieurs journées du championnat de League of Legends français, la LFL, se déroulant plus généralement en ligne et sans publique.

[10] Le Karmine Corp Xpérience (KCX) est un événement en présentiel réalisé par le club d’esport français, la Karmine Corp, pour fédérer leurs supporteurs autour de leurs différentes équipes esportives.