Développement Durable du Mont Aigoual : Vers un Tourisme Quatre Saisons Face aux Défis Environnementaux et Sociétaux

L’adaptation au changement climatique touche l’ensemble des territoires et des activités. Les activités de pleine nature en moyenne montagne sont également impactées. Pour répondre à ces multiples changements, le domaine touristique va s’adapter avec de nouvelles formes telles que le tourisme 4 saisons. Ce tourisme tente de répondre aux contraintes environnementales, tout en régulant les flux de pratiquants sur l’année et en permettant aux professionnels des activités de pleine nature de pouvoir réaliser leurs activités sur l’ensemble de l’année. Cette étude qualitative auprès des acteurs et professionnels des activités de pleine nature, permettra de comprendre les défis auxquels est confronté le territoire d’étude du Mont-Aigoual. Cet article est axé sur la transition des activités de moyenne montagne et leurs stratégies d’adaptation pour renouveler leur offre. En faisant cela, les territoires pourront faire évoluer leur tourisme afin de pouvoir s’imposer en tant que destination de pleine nature, tout en répondant aux défis environnementaux et sociétaux.

Par Saphia MALZAC

Passionnée depuis toujours par la pleine nature et les activités sportives, j’ai passé de nombreuses années à parcourir les Cévennes et à m’émerveiller devant ses atouts naturels. Ayant grandi dans le massif de l’Aigoual, et pratiquant toute sorte d’activités sportives, j’ai choisi de m’intéresser à celles-ci, sur ce territoire qui est chargé d’histoire et de spécificités. Apprendre comment ce dernier s’adapte et répond aux divers impacts du changement climatique et de la société était pour moi une véritable opportunité pour comprendre le mécanisme d’un lieu qui m’est cher.  

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Introduction

« Avec une température moyenne de +5,6 °C, le premier semestre 2022 est le plus chaud jamais observé au Mont Aigoual depuis le début des mesures en 1896 », c’est ainsi que Météo France alerte sur la gravité du changement climatique. Entre inondations, interdiction de randonner, sécheresses, absences de neige, les territoires se voient désemparés pour mener leurs activités touristiques et sportives. C’est le cas du massif de l’Aigoual. Situé à l’ouest du Gard, son sommet est à 1567 mètres d’altitude. Il abrite la dernière station météorologique d’altitude habitée de France. Un musée sur le changement climatique, le « Climatographe » a également été ouvert en 2023 afin d’alerter sur l’impact des changements climatiques sur les territoires. Le massif de l’Aigoual possède une partie de son territoire dans le Parc National des Cévennes, seul parc national habité de France. Ce territoire fait alors face à plusieurs spécificités qui entraînent des problématiques pour réussir à faire cohabiter l’ensemble des activités proposées, tout en préservant l’environnement. Les professionnels du tourisme sportif sont soumis d’une part aux changements climatiques, mais également aux réglementations fixées par le Parc National. Ils ont besoin de s’adapter afin de réussir à développer leurs activités tout en préservant l’environnement. Pour bon nombre d’entre eux, ils souhaitent faire croitre leurs activités et les tendances sont de leurs côtés. Avec plus de 58% d’activités régulières chez les pratiquants d’activités de pleine nature (Hoibian S, 2018), les professionnels accueillent de nombreux sportifs. De plus, selon les premiers résultats du Baromètre national des pratiques sportives en 2018, « 66 % des Français interrogés déclaraient pratiquer au moins une activité physique ou sportive. Parmi ces derniers, 84 % sont concernés par les sports et loisirs de nature. ». L’image de l’Homme défiant les lois de la nature, attire de nombreux sportifs en quête d’expériences, de rupture du quotidien, d’aventures, « L’image de l’aventurier est, elle, souvent associée à celle de l’explorateur qui risque sa vie pour parcourir le globe à la recherche d’espaces vierges. […] Les activités de pleine nature offrent un terrain de jeu sensationnel. » (Perera & Le Roux, 2021, p.10). Néanmoins, cela amène à une dégradation en lien avec la fréquentation d’espaces vulnérables, bien que les pratiquants n’aient pourtant pas le sentiment de causer du tort à l’environnement : « 36 % des pratiquants interrogés estiment ne jamais être une source de dérangement pour la faune sauvage, 53% jugent l’être rarement et 11% considèrent qu’ils sont souvent une source de dérangement » (Perrin-Malterre & Chanteloup, 2017, p.3). Cependant, ce n’est pas seulement la pratique d’activités de pleine nature qui va détériorer les territoires. On assiste à une modification des saisonnalités de pratiques : pas de ski en hiver avec la diminution des chutes de neige, moins de randonnées en été lié à l’augmentation des températures, fermeture des massifs liées au risque incendie… Le massif de l’Aigoual fait face à ces problématiques : manque de neige, feux de forêts… Les moyennes de températures maximales atteignent 19°C en 2022 contre 13°C en 1980, soit une augmentation de 6 degrés en 42 ans ! Cela impacte les activités hivernales avec la diminution des chutes de neige. En tentant de remédier à cela, les stations de ski, dont celle du Mont Aigoual, essaient de produire de la neige artificielle, mais cela impacte l’environnement et le cout financier reste très élevé.

Source : infoclimat.fr

Les précipitations se font également rares comme le montre le schéma ci-dessus. Cela impacte directement la pratique d’activités nautiques (canoë, kayak, canyoning…) qui sont mises en suspens durant l’été au-vu du niveau bas des cours d’eau causé par les sécheresses.  Indirectement, ces changements poussent les populations à se diriger vers des territoires de montagnes plus frais, tels que l’Aigoual.  Cela entraine alors une croissance des visiteurs et à long terme une potentielle dégradation des territoires liée à la sur-fréquentation. Ce dernier cas de sur-fréquentation est tout de même rare sur le massif. L’Aigoual est un territoire avec une histoire riche. D’abord un massif destiné à l’agriculture, avec des terres pelées, une forêt surexploitée pour l’utilisation de son bois : chauffage, mines, industries… Reboisé par la suite pour diminuer les glissements de terrains et les crues dans les vallées, le massif abrite une forêt domaniale de plus de 16 000 hectares. Peu à peu au cours du XXème siècle, les évolutions sociétales, les facilités de déplacements et la mise en avant de territoires naturels avec une biodiversité riche, va permettre au massif de l’Aigoual de développer son image de destination nature ainsi que son image touristique. Cela sera alors accompagné d’une recrudescence des activités de pleine nature avec par exemple la construction de la station de ski de Prat Peyrot entre 1970 et 1980, qui fut un succès à cette époque : une nouveauté, une activité unique qui a du succès et qui entraine une croissance économique pour le secteur. C’est en 2019 que la commune de Val d’Aigoual confie pour 10 ans la gestion de la station de Prat Peyrot à travers une DSP (délégation de service public). Elle deviendra alors la station Alti-Aigoual, chargée de proposer des activités de plein air tout au long de l’année. Bien que ce changement ait été fait pour renouveler les activités, le territoire garde des logiques de développement basées sur un tourisme du XXème siècle, qui n’a pas su se renouveler et s’adapter aux besoins et contraintes actuelles. Il sera de ce fait, moins enclin à l’adaptation au changement climatique. Les professionnels du tourisme sont tenus de prendre en compte cela.

D’après un sondage de l’institut Ecomedia en France, pour réussir à développer les activités de pleine nature, les professionnels tentent d’adapter leurs pratiques, par exemple « 6 professionnels interrogés sur 10 ont déjà engagé des actions pour s’adapter au changement climatique dans le cadre de leur activité principale. Mais ils sont moins de 3 sur 10 à envisager des actions dans un futur proche. » (2021, p.3). Néanmoins, ces actions sont difficiles à mettre en place et ce sont souvent des actions à court terme, comme l’utilisation de canons à neige dans les stations de skis. Cependant, la mise en place d’un tourisme 4 saisons est une solution qui pourrait fonctionner sur le long terme, avec la mise en place de locations de VTT en période estivale, ski roue, course d’orientation… C’est ce que la station Alti Aigoual du Mont Aigoual a choisi de mettre en place. L’avantage de ces disciplines est leur pratique réalisable sur l’ensemble de l’année, « leurs multiples combinaisons permettent des chevauchements saisonniers, et à une pratique quasi continue au cours de l’année. » (Bourdeau, 2021, p.15).  Certains professionnels sont prêts à pousser l’adaptation et à travailler différemment, sur du hors saisons, du développement touristique hors vacances scolaires. Mais ces changements engendrent de nombreuses adaptations supplémentaires que ce soit au niveau des mentalités ou de la société. Au niveau de la protection de l’environnement, leur affection pour la nature leur donne envie de sensibiliser leurs pratiquants. Pour eux, l’environnement est une source de bien-être, de ressource pour l’esprit, de beauté et de plaisir. Ils tentent alors de réaliser un tourisme sportif plutôt durable, un slow tourisme qui consiste à « repenser les rythmes de vie en adoptant la lenteur contre l’accélération du quotidien » (Perera & Le Roux, 2021, p. 14). Les encadrants sensibilisent, éduquent, leurs pratiquants en essayant de leur transmettre les bons gestes pour une pratique sportive plus respectueuse de l’environnement, « les prestataires sportifs ont un rôle à jouer dans la sensibilisation agissant en tant qu’interprètes environnementaux, modèles et activistes » (Gruas & al, 2022). Il est important que les pratiquants se sentent impliqués dans leur rôle à jouer pour la protection de l’environnement. Bien que l’environnement soit au cœur des débats, mettre en place des actions pour le protéger à un coût ; que choisir entre l’économie ou l’écologie ? « Après une phase d’évolution et d’expansion, ces activités ne font plus figure de niche économique marginale. Le marché français apparaît même comme l’un des plus développés […] Les sports de nature sont donc pourvoyeurs d’emplois, et sont aussi devenus une composante à part entière de l’économie touristique. » (Perrin-Malterre, 2015, p.79), les activités de pleine nature génèrent une économie importante. Malgré la mise en place d’actions pour la préservation de l’environnement, des prestataires continuent de travailler avec un tourisme de masse et des sportifs qui ne sont pas réellement sensibles aux vulnérabilités des territoires. Mettre des actions en place pour l’environnement a un coût, les professionnels se sentent parfois contraint de choisir entre : faire ses investissements pour l’environnement et proposer des prestations plus chères au risque d’avoir moins de monde, ou bien ne pas réaliser ses actions et continuer à travailler avec davantage de visiteurs et sportifs. Néanmoins, ils sont de plus en plus à choisir de satisfaire leur clientèle tout en protégeant l’environnement. Ils vont se tourner, dans certains cas, vers une clientèle aisée qui a les moyens de dépenser les sommes demandées, et qui se préoccupe davantage de la préservation de l’environnement et de la diminution de leurs impacts. Cependant, ce type de clientèle se rend sur des territoires qui offrent la possibilité de répondre à ses attentes, comme la haute montagne qui est davantage vulnérable que la moyenne montagne. Ces territoires, impactés les premiers, ont élaboré de nouvelles logiques d’adaptation et ont développé un tourisme sportif en adéquation avec les vulnérabilités qu’ils subissent. Cependant, le massif de l’Aigoual peut avoir quelques difficultés sur ce point. Ce territoire n’a pas encore effectué cette transition pour répondre aux nouveaux défis : environnementaux, sociétaux, sportifs. Il est essentiel que les professionnels s’adaptent d’une part aux changements climatiques, d’autre part à la modification des pratiques, et enfin aux contraintes du territoire. Comment le tourisme 4 saisons peut aider les professionnels à s’adapter aux changements environnementaux, mais aussi sociétaux, tout en appliquant ces adaptations à la spécificité du territoire de l’Aigoual et en gérant la fréquentation touristique du territoire ? On peut supposer que le tourisme 4 saisons permet un étalement des pratiques des activités de pleine nature, et donc un meilleur respect de l’environnement, tout en incitant à une hausse de la fréquentation sur l’année qui permettrait d’élaborer de nouvelles logiques de développement du tourisme sportif.

Méthodologie

Afin de réaliser cette étude, le choix d’une méthode qualitative a été la plus appropriée au-vue des questions précises sur la transition et l’adaptation des activités sportives et touristiques, et des expériences de chaque professionnel et acteur au sein du territoire. C’est à partir d’entretiens semi-directifs que l’enquête a pu être menée auprès des acteurs du tourisme et du territoire. Cela a permis de préparer une liste de questions triée par thèmes, mais également de laisser l’enquêter s’exprimer librement sur certains sujets qui lui tiennent à cœur. Le guide d’entretien a déterminé les 4 thèmes principaux abordés : leurs activités, la mutation des pratiques, le tourisme 4 saisons et la fréquentation, qui sont en lien direct avec la problématique définie. Un périmètre autour du Mont Aigoual a été délimité afin de se concentrer sur une zone précise. Ce périmètre comprend la zone cœur de parc, le sommet du Mont-Aigoual, une partie du pays viganais ainsi qu’une part des vallées cévenoles de Val d’Aigoual. Cette délimitation permet d’avoir des activités diversifiées allant du ski à la pratique du canoë ou du canyoning. Pour le choix des enquêtés, ce sont des acteurs et des professionnels du tourisme sportif du Mont Aigoual choisis grâce aux critères suivants : les activités qu’ils proposent, la taille de leurs entreprises/ leur nombre de salariés et l’endroit où ils exercent leur activité sur le territoire. Quatre entretiens ont été menés, avec une moyenne de 1h15 d’entretiens. Nous retrouvons 3 prestataires du tourisme sportif ; Cathy, accompagnatrice en moyenne montagne, Bruno proposant des activités de nature diversifiées au sein de sa structure multi-activités, et Louis prestataire spécialisé dans le VTT, vélo et canyoning. Cathy et Bruno sont sur le secteur haut du massif, près du sommet, tandis que Louis propose ses activités davantage sur le secteur « vallées » du territoire. Enfin, Théo, travaillant à la communauté de commune au pôle nature 4 saisons, a pu nous répondre afin de donner sa vision sur notre problématique avec le regard d’une collectivité territoriale.

ADAPTATION ET TRANSITION : LES OPPORTUNITES ET DEFIS D’UN TERRITOIRE ATYPIQUE SOUMIS A UNE COMPLEXITE DE COORDINATION DU AUX MULTIPLES ACTEURS PRESENTS.

L’Aigoual, un territoire avec une histoire atypique et plusieurs spécificités. 

Le massif de l’Aigoual est un territoire de montagne avec une histoire forte. Loin d’être le massif boisé que l’on connait aujourd’hui, l’Aigoual était un territoire pelé par l’activité agricole, qui a ensuite été reboisé dans l’objectif de limiter les crues et diminuer l’impact des épisodes cévenols dans les vallées. En 1970, la création du Parc National des Cévennes va permettre de protéger la biodiversité présente sur le territoire. Le parc aura la spécificité d’être un des seuls parcs nationaux à être habité et où les activités agricoles et autres, peuvent se réaliser. C’est aussi dans les années 70/80, que la popularisation des pratiques d’activités sportives et l’engouement pour le dépassement de soi, l’aventure et le risque va permettre à un territoire comme l’Aigoual, riche en atout naturel et plutôt sauvage, de se développer. Cela va passer par la construction, en 1970, de la station de ski de Prat Peyrot, devenu Alti-Aigoual en 2019. Cela permettra le développement économique et touristique du territoire comme l’explique Theo, « on demande à la station une offre de pleine nature en complément de l’accro-filet pour que ça fixe les gens sur le territoire et que ça puisse faire vivre une petite restauration de qualité, qu’il y ait de l’activité mais également que ça rapporte aux services annexes. ». D’autres activités vont peu à peu s’installer : canyoning, VTT, via-ferrata, randonnée à cheval, ski… Cependant, en ce qui concerne l’activité hivernale qui a majoritairement participé au développement du territoire, diminue à présent chaque année. Cela entraine alors la fermeture de commerces, restaurants, services, nécessaire pour le bon développement du tourisme et pour répondre à la demande de la clientèle. L’apport économique et touristique du XXème siècle, s’efface avec les années. En questionnant nos interviewés, ils semblent tous d’accord pour décrire le « désert » qui se forme petit à petit sur l’Aigoual, alors que ce territoire a de nombreux atouts et du potentiel. « Les gens viennent pour qu’il y ait une activité, pour qu’il y ait une vie ici, pour que les écoles restent […] il y aurait une activité économique qui pourrait se développer, on pourrait embaucher quelques market. […] C’est ça l’enjeu du territoire, créer de l’emploi et de l’activité pour que le territoire se développe » (Bruno, gérant de sa structure multi-activités), le territoire a besoin de se renouveler, de voir de nouveaux professionnels s’installer dans le but de revitaliser le massif, le rendre attractif à nouveau et pouvoir bénéficier d’une hausse de la fréquentation, sans atteindre la sur-fréquentation du territoire. Les professionnels tels que Cathy (accompagnatrice en moyenne montagne) par exemple, souhaitent développer la communication afin d’avoir davantage de pratiquants et de tourisme, « Il n’y a pas une vraie communication. […] Il faut absolument travailler avec les autres territoires, avec tout le Sud Cévennes. Il faut que nous ici de ce côté-ci on travaille aussi avec la Lozère, l’Aveyron, la région grand Alès, l’Ardèche. […]il faut s’ouvrir. C’est resté très fermé jusqu’à maintenant. ». En misant sur un tourisme différent comme le 4 saisons, les professionnels ont l’espoir de revitaliser le territoire, de proposer les services attendus par la clientèle susceptible de venir y séjourner. Les activités de pleine nature pourraient être pratiquées sur l’ensemble de l’année et permettre d’avoir une activité annuelle, en rendant le territoire attractif. En agissant ainsi, cela permettrait également d’étaler les activités et de limiter la concentration d’activités sur une période, « L’ensemble de la montagne doit être ouverte toute l’année, cela permettra de moins la faire souffrir » (Dimier-Vallet K, 2021, p. 21). Le respect de l’environnement reste primordial avant tout, bien que l’objectif soit d’accueillir davantage de visiteurs. Les professionnels sont dans cette logique de transmettre cela à leurs pratiquants « un but à la fin : amener la perception de l’importance de l’environnement, de la nature et la place de l’homme dans la nature. » (Cathy), « on propose des expériences en pleine nature et c’est notre manière d’être des militants écologistes […] emmener les gens dans le respect de l’environnement et de les sensibiliser à ça » (Louis, prestataire spécialisé dans le VTT, canyoning et vélo). Le territoire a donc besoin de renouveler ces activités sportives qui s’adapteraient au changement climatique et nouveaux enjeux, ce qui pourrait alors permettre de renouveler la population et d’être plus attractif. Avoir davantage d’activités répondant aux besoins et aux enjeux de l’environnement, du territoire, et de la société, pour attirer les populations et renouveler le massif sur tous les plans : un projet de taille, qui pourrait bien se réaliser avec une transition touristique et une nouvelle offre touristique de la part des professionnels et qui serait adapté à ce territoire atypique. 

Le 4 saison : une opportunité d’adaptation pour les professionnels du tourisme sportif ?

            « Nous ici étant au pied du massif, ce qu’on a vu, c’est que ça faisait passer l’envie aux gens d’aller faire la balade à vélo tu vois, aller faire une via ferrata quand t’es sur un rocher qui est chaud. Enfin bref. Donc on a vu une diminution de l’activité vraiment notable et d’ailleurs la canicule, elle s’arrête au 15 août et au 15 août, on se remet à bosser normalement comme un été. » (Louis). Les changements climatiques affectent de plein fouet les activités de pleine nature. Sous les fortes chaleurs, les pratiquants ne souhaitent pas effectuer d’activités, ce qui est problématique au-vu du nombre de jours de chaleur supérieur à 32°C, « à partir de 32 degrés, la pratique sportive est déconseillée » (Besson & Bourgoin, 2021, p.19). Si la température augmente jusqu’à + 2°C, c’est « jusqu’à 24 jours de pratique en moins », tandis que jusqu’à + 4°C c’est « jusqu’à 66 jours de pratique en moins » (Besson & Bourgoin, 2021, p.23). Au niveau hivernal, le manque de neige pose des problèmes similaires : manque de neige, diminution du temps d’ouverture de la station de ski, voire fermeture complète. Les professionnels vivent aux dépends du climat. Cependant, bien que cela puisse surprendre, le changement climatique peut parfois aider les professionnels des activités de pleine nature. En effet, nombreuses sont les personnes qui pratiquent des activités de pleine nature en autonomie, ce qui diminue les activités des professionnels. Aussi, Cathy nous explique que « ça peut être bon pour quelqu’un comme moi parce qu’apparemment, j’ai vu la proposition de loi préfectorale, qui serait une proposition qui se réfère à autoriser l’accès en forêt que pour les professionnels de la forêt et les personnes accompagnées par des professionnels des activités de pleine nature. », ce qui pourrait se voir comme une opportunité pour elle, afin de faire perdurer son activité, tout en sensibilisant ces pratiquants aux bonnes pratiques et aux questions environnementales. Théo trouve également des opportunités aux répercussions du changement climatique, « On est le bol d’air frais des grandes villes. L’été ils peuvent venir profiter de la fraicheur. Sur l’Aigoual, même l’hiver on n’a pas autant de mauvais temps, les gens viennent davantage ». En effet, le climat dont bénéficie l’Aigoual peut être une aubaine pour accueillir davantage de monde, « si l’impact du changement climatique était majoritairement négatif pour la saison d’hiver, il pourrait être positif pour la saison d’été, apte à offrir aux visiteurs et habitants de la montagne un confort climatique accru par rapport aux zones urbaines. » (Bourdeau, 2021, p. 26). D’autres parts, en observant l’adaptation des professionnels sur d’autres territoires comme en haute montagne, la diversification des activités pour palier le changement climatique va renforcer l’identité sportive du territoire et va être vu comme une opportunité d’adaptation, « ce phénomène de glissement de l’activité alpinisme vers du multisport-outdoor perçut comme une stratégie d’adaptation au changement climatique […] serait vécu comme une opportunité de s’affranchir des contraintes dues au changement climatique » (Salim & al 2019, p.38). Les professionnels sont en quête d’adaptation permanente pour réussir à faire perdurer leurs activités. Ils se tournent petit à petit vers le multi-activité et le 4 saisons comme le dit Louis, « On a compris maintenant qu’on n’allait plus pouvoir compter sur une saison d’été qui représente une grosse part de notre chiffre d’affaires. Donc si cette part-là diminue, il faut que ça augmente ailleurs. ». C’est ainsi que les professionnels vont tenter de développer davantage leurs activités à la mi-saison, mais également proposer des activités réalisables sur l’ensemble de l’année comme le dit Bruno « faire un point sur Prat Peyrot (station) ou les gens vont se poser et après vont partir à pied ou en vélo ou avec des navettes, ou en calèche pour aller visiter l’Aigoual, je pense que c’est bien et réalisable à l’année ». Cela permet d’une part de compenser les pertes des pleines saisons estivales et hivernales, et d’autre part de maintenir la fréquentation du territoire tout au long de l’année. Les tendances sociétales tendent elles aussi vers ce tourisme 4 saisons, « Il y a pas mal de monde qui préfèrent prendre, quand ils le peuvent, leurs vacances, plutôt en septembre qu’en été, parce qu’en été, trop de monde, trop chaud. » (Cathy). Néanmoins, pour rendre ce tourisme 4 saisons optimal, cela passera par la modification des modes de fonctionnement. Une fois que la clientèle changera ses habitudes et demandera des services, alors les prestataires seront en mesure de répondre à ses attentes. Si la clientèle augmente en hors saison, les professionnels pourront développer davantage d’activités. La modification de la répartition des pratiquants est essentielle pour la réalisation du tourisme 4 saisons. Le Mont-Aigoual a un positionnement stratégique qui peut lui permettre d’accueillir du monde tout au long de l’année, « En fait faire venir du monde ici, c’est simple : on est près de Montpellier, on est près de Nîmes, on est près de Millau, on est en hauteur, il fait frais, c’est beau, donc les gens ils demandent qu’à venir » (Bruno). Cependant, malgré les atouts naturels du territoire, le manque de certains services et la non-proximité des grandes villes, se fait ressentir, ralentissant le renouvellement et le développement de l’offre touristique du massif.  

Une transition touristique de taille pour les professionnels et le territoire.

Ce territoire fait face à de nombreux enjeux. Sa transition vers un territoire plus connecté, attractif, protégé et fréquenté, s’opère doucement. Les professionnels ne sont pas sans idées pour développer de nouveaux concepts comme l’explique Bruno « On pourrait mettre des hammams, saunas, salles de musculation on pourrait le faire. C’est comme Font Romeu qui est un peu plus haut. On pourrait faire quelque chose de bien. ». Le potentiel du territoire donne envie aux professionnels de développer de nouvelles activités, même s’ils doivent garder à l’esprit qu’ils sont dans un parc national, avec une réglementation stricte pour la protection des espaces.  Néanmoins, de nombreuses activités sont possibles et respectueuses de l’environnement. En se regroupant, les professionnels peuvent réussir à attirer davantage de fréquentation, mais également à s’aider pour tenter de réduire les impacts des changements climatiques sur leurs activités. Hors professionnels du tourisme, ce sont également les collectivités, les élus, les commerçants, qui souhaitent dynamiser le territoire, qui doivent essayer de travailler ensemble vers un même objectif, « Le moteur doit être la communauté de commune » (Théo). En définissant le type de clientèle qu’ils veulent recevoir sur le territoire, les acteurs pourront adapter les activités en fonction de la demande, « on est sûr de l’offre pleine nature grand public, mais on a des spécificités avec des plus sportifs, c’est à travailler. On pourrait mieux vendre le territoire et tabler sur le dépassement de soi avec des évènements fort en notoriété comme le trail » (Théo). S’éloigner du public familial pour aller vers une clientèle sportive pourrait permettre au territoire d’atteindre une notoriété plus importe, ce qui serait un véritable atout pour la promotion touristique de la destination, qui s’inscrirait comme destination « nature et sportive ». Cependant, cela doit être accompagné par un ensemble de service touristique. Aujourd’hui, le massif de l’Aigoual manque d’hébergements, d’hébergements haut-standing, d’hébergeurs professionnels comme l’explique Louis « Sur le territoire on a un problème de qualification de notre hébergement. On a un niveau de gamme de l’hébergement sur de l’entrée de gamme, voire du franchement vétuste. On n’a pas de vrai hôtel. ». La communauté de commune rejoint les prestataires sur ce manque de professionnalisme et de qualité dans l’offre touristique, « On n’a pas cette montée en gamme, il nous manque des pros. Actuellement, ce n’est pas leur cœur de métier, c’est un bonus, donc pourquoi investir ils n’y pensent même pas. Quand c’est ton gagne-pain tu essaies de tirer ton épingle du jeu et répondre à ta clientèle mais ce n’est pas le cas » (Théo).Ce manque peut freiner la clientèle à venir séjourner sur le territoire, et pénaliser par la suite les prestataires d’activités de pleine nature. Cathy explique « qu’il ne faut pas qu’à cause du manque d’hébergements on ne puisse pas accueillir les gens et que tout soit complet ».En parallèle,pour réussir cette transition, les professionnels du tourisme n’hésiteront pas à sensibiliser la clientèle au respect de l’environnement, pour préserver les atouts du territoire, « les encadrant.es sportif∙ves qui sont les premier∙es à transmettre la manière de pratiquer […], préconisent d’intégrer davantage l’éducation à l’environnement dans les formations. » (Besson & al, 2022, p. 5).  Ce territoire est soumis à un modèle du XXème siècle qui s’apprête à changer, d’une part pour répondre aux enjeux environnementaux et d’une autre part pour renouveler son offre touristique et retrouver son attractivité, « Le territoire a mal été habitué avec la station, car sans rien faire tu tirais beaucoup d’argent, alors que maintenant ce n’est plus possible. Cette période de transition ou tout est fluctuant, fait qu’il faut trouver la bonne méthode » (Théo). L’objectif est aussi de faire rester les visiteurs, qu’ils ne soient pas seulement de passage et consomment sur le territoire « On doit fixer les gens avec plusieurs petites activités et non pas une grosse activité, au moins ils peuvent consommer, aller manger au resto, avec une restauration de qualité » (Théo). En quête d’adaptation permanente, l’Aigoual a les cartes en main pour pouvoir se présenter comme une destination de nature et de sport, au cœur du Parc National des Cévennes riche en biodiversité.

L’opérationnalisation : un défi de coordination et de communication entre la pluralité d’acteurs vers un projet final commun 

Reconstruire la confiance entre les acteurs est important. Elus, Parc National, collectivités, professionnels du tourisme, locaux, entre ces diverses parties prenantes, il peut être difficile d’y voir clair. Pourtant l’objectif est le même pour tous : essayer de s’inscrire en tant que destination nature et sportive dans le respect environnemental. Non loin de sites remarquables, le massif de l’Aigoual se trouve malheureusement dans un « trou noir » comme le dit Louis, « Les gens, ils connaissent le Pic Saint-Loup, ils connaissent le Salagou, ils connaissent Anduze. On est dans un trou noir, nous, ici. ». Le massif, plus reculé, plus sauvage, a pourtant de nombreux atouts à mettre en avant pour offrir à la clientèle un terrain de jeu riche, dans un cadre naturel, protégé par le Parc National des Cévennes. Cependant, les stratégies de développement touristique sont quelque peu complexes, au vu des nombreux acteurs présents sur ce périmètre, les professionnels souhaitent être davantage écoutés, et les acteurs s’en rendent compte : « c’est très compliqué de faire changer les mentalités, il faudrait quelqu’un à plein temps au niveau du tourisme pour suivre les professionnels, changer leurs habitudes, les aider » (Théo). Pour devenir une véritable « destination nature et sportive », il est essentiel de renforcer la présence de professionnels du tourisme (hébergeurs, commerçants, prestataires sportifs…) sur le territoire, car leur absence contribue au déclin et à la baisse de fréquentation. Quelle stratégie les politiques comptent mettre en place pour pallier cela ? Quelles clientèles souhaitent-ils accueillir ? En ce qui concerne les impacts climatiques, les professionnels l’ont bien compris : le tourisme 4 saisons pourrait être l’adaptation répondant le mieux aux problématiques environnementales. Ce territoire a les capacités d’accueillir davantage de visiteurs, cependant, cela devrait s’accompagner d’une sensibilisation à la protection de l’environnement, « Une intelligence climatique est à construire pour rendre compatibles les pratiques récréatives et les modes de vie et de travail avec le changement exponentiel du climat » (Bourdeau, 2021, p. 26). La promotion touristique doit également être mise à l’honneur car « on a les aménagements touristiques, mais il faut travailler sur la communication, la promotion touristique avec l’OT, suivre les socio-pros, voir ce qui fonctionne pour pouvoir s’adapter, agir et communiquer sur ce qui marche » (Théo).

La pluralité des acteurs rend les discussions parfois compliquées et la transition de ce territoire est chronophage. Deux transitions semblent être primordiales : l’adaptation des activités sportives au changement climatique et l’adaptation des divers acteurs du tourisme et du sport (et des services touristiques), à un tourisme d’actualité, différent de celui du 20ème siècle afin de restructurer l’offre touristique et sportive. Cela s’effectue doucement mais il reste encore du chemin. Il ne suffit pas de proposer seulement un modèle de tourisme 4 saisons. Cela devrait s’accompagner d’une évolution et d’un changement des mentalités, d’un travail de coordination de la part de l’ensemble des acteurs et d’une restructuration de certaines offres, notamment de l’hôtellerie, pour pouvoir réellement parler de tourisme 4 saisons qui saurait répondre aux problématiques du territoire.  Afin de bénéficier au mieux des retombées touristiques pour dynamiser le territoire, la promotion touristique a également un rôle crucial à jouer. La communauté de commune tente de mettre en relation les différents acteurs afin de se diriger vers les mêmes objectifs et vers un projet commun : devenir une destination nature et sportive. En ce qui concerne l’environnement, le Parc National reste un acteur important dans la gestion et l’organisation de ce territoire. Il aide à réguler les flux touristiques et les aménagements grâce à sa règlementation afin de préserver au mieux les écosystèmes. Cependant, nous pouvons nous demander si tourisme et respect de l’environnement peuvent réellement cohabiter ensemble. Comment des territoires de moyenne montagne peuvent exploiter leurs ressources touristiques et revoir ou adapter, leurs activités dans un espace soumis à une forte réglementation comme celles des Parcs Nationaux ?

Bibliographie

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